Mélenchon est nu

par Laurent Joffrin |  publié le 15/09/2024

Et si Ruffin disait tout simplement la vérité, dévoilant – tardivement mais de manière réaliste – les cyniques calculs du chef de LFI ? Tout en posant un problème fondamental pour la gauche.

Laurent Joffrin

On a tout dit sur les méthodes proprement staliniennes employées par la direction de LFI pour tenter de noyer le député de la Somme sous les insultes, les calomnies et les excommunications. Chapelet d’injures, attaques sous la ceinture, outrances grotesques – Ruffin fasciste ? Ruffin raciste ? – lynchage public par une salle composée à dessein à la fête de l’Huma… Tout est bon pour éliminer celui qui a dit que le roi était nu.

On a aussi remarqué, avec une certaine ironie, que François Ruffin avait tout de même mis un certain temps pour de se rendre compte des légers défauts humains et politiques qui émaillaient l’action de Jean-Luc Mélenchon et de ses affidés. Et qu’il avait beau jeu de se repentir, à la manière d’un pécheur agenouillé sur le prie-Dieu qui retrouve sa virginité morale par une confession absolutoire.

Mais on a oublié l’essentiel. Personne, en dépit de la haine exprimée, de la basse vindicte des fanatiques de la secte, des noms d’oiseau dignes du capitaine Haddock expédiés en rafale contre le trublion de l’ordre mélenchoniste, personne à LFI, donc, ne s’est risqué à démentir les faits rapportés par François Ruffin. On lui reproche une « faute politique », on le qualifie de renégat, on le décrit en Judas, en Iago, en Benedict Anderson, en vipère lubrique et en hyène médiatique, mais on n’ose pas mettre en doute ce qu’il raconte de la stratégie des Insoumis, ni les anecdotes qu’il narre à propos du « lider maximo ».

Qu’en déduire, sinon qu’effectivement, Jean-Luc Mélenchon a bien décidé à fonder sa future candidature à la présidentielle sur le soutien communautaire des quartiers ? Qu’il juge toute entreprise de reconquête des classes populaires « blanches », selon le vocabulaire des décoloniaux, vouée à l’échec (il a été filmé le disant) et que sa stratégie, plus ou moins inspirée des États-Unis, quoique camouflée par le « populisme de gauche » cher à la philosophe Chantal Mouffe, émule du nazi Carl Schmitt, consiste à flatter l’islamisme dans l’espoir de récupérer le « vote des quartiers », tout en abreuvant les bobos du centre-ville d’une radicalité excitante qui soigne leur mauvaise conscience.

Ce qui renvoie la vraie gauche, républicaine, laïque et sociale, à ses propres apories. Elle aussi, il faut bien le dire, a perdu le soutien des classes populaires non-immigrées, passées au RN. Le vrai débat, est là : quel est le discours, le projet, le programme, qui fera revenir vers la gauche, par sa pertinence et son souci de la justice, ces classes populaires qui furent naguère à la base – les études électorales en attestent – de l’élection de François Mitterrand, Lionel Jospin et, même si c’est en plus faible proportion, de François Hollande ?

Laurent Joffrin