Mélenchon, le mouton noir
Portant sur plus de dix mille personnes, la dernière vague du sondage Ipsos pour Le Monde, est accablante pour la France insoumise, qui est devenue un véritable repoussoir, y compris à gauche.
Il y a tout de même une justice, même en politique. On finissait par croire que l’incroyable cirque cathodique et numérique déployé par LFI pour répandre ses incessantes provocations était sans conséquences pour sa cote dans l’opinion, que son habileté à occuper le devant de la scène, serait-ce par des outrances, se traduisait en points de popularité, bref, que le crime médiatique payait. Eh bien non ! La vaste enquête diligentée par Ipsos et Le Monde aboutit à une conclusion implacable : la France insoumise est devenue, de loin, le parti le plus impopulaire de France. Tout comme son leader, qui désormais côtoie Éric Zemmour dans les tréfonds de l’impopularité.
Dans la plupart des secteurs de l’électorat et sur la plupart des questions, ce sont entre les deux tiers et les trois quarts des personnes interrogées qui portent des jugements négatifs ou très négatifs sur les Insoumis. Il arrive donc un moment où le cynisme agressif et l’irresponsabilité sont sanctionnés par l’opinion : seuls 7,5% des sondés s’en déclarent proches et il est rejeté par tous les autres, qui le tiennent pour plus dangereux que le Rassemblement national.
Ce qui pose deux questions. La première concerne le système médiatique : on entend sans cesse, chez les sympathisants comme chez les adversaires, louer les qualités de stratège et de tribun du chef de LFI. En dépit de ses extravagances, lit-on souvent, ou à cause d’elles, Mélenchon domine la gauche et dicte le calendrier politique, obligeant tous les autres à se déterminer par rapport à lui.
Comment concilier cette complaisance admirative avec le désastreux effet de son action sur l’audience de son parti ? Où est le génie d’un stratège qui s’est transformé en épouvantail et qui marginalise avec une énergique opiniâtreté son propre parti ? Rappelons-le : lors du dernier scrutin où elle se présentait seule, LFI a obtenu moins de 10% des voix, contre 14% pour le candidat d’un Parti socialiste qu’on disait moribond.
La deuxième question s’adresse évidemment aux socialistes. Combien de temps mettront-ils à comprendre d’un compagnonnage trop étroit avec des personnages aussi toxiques déteint sur eux, sur leur image et sur leurs résultats ? Un accord électoral, pourquoi pas ? Le scrutin majoritaire fait loi. Mais une unité programmatique et tactique ? C’est une aberration ! Elle empêche en fait tout renouveau intellectuel au PS et toute autonomie politique. Elle prête le flanc aux campagnes incessantes de la droite et fait passer les dirigeants socialistes pour des « yes-men » sans consistance. La minorité du PS – en fait majoritaire – a compris ce fait patent. Pour des motifs de moins en moins honorables, la direction refuse de le voir.