Mélenchon, ravi de la crèche

par Boris Enet |  publié le 30/06/2025

Ni perle de l’extrême, ni mur du çon, juste le dernier apport théorique du camarade Mélenchon. Sa contribution du moment concerne le voile au travers d’une transe islamique qui ne devrait pas passer à la postérité ; mais qui sait ?

Jean-Luc Mélenchon, Place de la République, à Paris, le 12 juin 2025. (Photo de Thibaud Moritz / AFP)

Serait-ce les débats sur la fin de vie, le temps qui passe et ramène tout un chacun à une finitude sans appel, toujours est-il que le leader Maximo parachève sa trajectoire balistique, commencée dans les rangs du lambertisme athée et « laïcard » pour se retrouver parmi les partisans du voile pour les femmes de confession musulmane. Bien sûr, ce qui lui reste de dialectique à trois sous, lui évite d’effectuer son chemin de Damas d’une seule traite. Non, le Caudillo est un intellectuel militant dont l’ossature et le charisme lui interdisent une capitulation humiliante devant les tenants des « croyances et des superstitions » et les normes imposées aux « créatures divines du beau sexe ». Il mouille donc la liquette pour justifier sa vérité révélée.

Le voile n’est plus un « signe de soumission patriarcale » comme il l’avait analysé, il y a encore une quinzaine d’années avec toute une génération de gauche. Parce que Jean-Luc écoute, dialogue, doute, c’est même sa qualité première. Il a donc « posé la question à des copines » voilées. Et ce fut lumineux. Les sœurs de LFI « ne se soumettent pas à l’homme » mais à Dieu, ce qu’il ignorait, le mécréant. Il a donc « changé son regard » car « c’était des arguments qu’il pouvait entendre ». Mélenchon, le nouveau derviche tourneur n’en reste pas là, puisque dans son génie infini, le voici un peu théologien, assurant que le seul « texte qu’on ait sur le voile en tant que soumission de la femme à l’homme est chrétien », attribué à Saint Paul. Quel pataquès en bondieuserie !

Imaginons un seul instant Mélenchon Jekill face à Mélenchon Hide, une décennie plus tôt, le premier assénant à l’époque : « on va vivre ensemble et on ne se trimballera pas avec des fantômes qui se promènent dans la rue et qui interdisent qu’on les regarde » à propos du port de la burka. Assurément le duel aurait eu lieu. Bien sûr, l’astre déclinant n’en est pas encore à faire tourner les tables ou consulter quelque « docteure » en astrologie dans son mystérieux conseil politique, mais avec lui, rien n’est jamais tout à fait exclu, inch’allah.

Cette nouvelle rupture avec ses familles d’origine, universalistes, féministes et laïques est-elle dictée par une apparition ou une étude d’opinion lui intimant le franchissement du Styx en vue de conquérir de nouveaux marchés électoraux et confessionnels ? Dieu seul le sait.

Reste que les aggiornamentos successifs du leader de la France Insoumise sont devenus légions. Hier mitterrandiste et européen convaincu, il n’a de mots assez durs, aujourd’hui, pour attaquer les institutions européennes au nom d’un souverainisme cocardier. Hier, universaliste militant, le voici devenu partisan d’un multiculturalisme à la sauce anglo-saxonne censé préserver des attaques contre les Musulmans. Hier, laïcard sourcilleux, il soupçonne, aujourd’hui, la laïcité d’être devenue l’otage de l’extrême-droite, dénigrant la sanctuarisation de l’école contre la pression religieuse. De « l’opium du peuple » dans sa jeunesse, la religion est donc devenue une affaire métaphysique raisonnable autorisant la soumission des hommes et surtout des femmes, quelle que soit l’obédience invoquée.

Mélina Merkouri, moquant le sergent Stambouli, égrainait les exploits de cet infatigable combattant, jadis si beau dans le maquis, pour conclure : « Des ennemis à la guerre sergent, tu en as eu des féroces et pourtant, pourtant le pire c’est le temps ». On ne saurait mieux le dire.

Boris Enet