Mon ami, mon phare : Federico Fellini

par Thierry Gandillot |  publié le 16/12/2024

Ouvrage somme de près de 1500 pages, Fellini 23 ½ retrace toute la carrière du réalisateur, sous la plume érudite et renseignée d’Aldo Tassone.

Frederico Fellini (1920-1993) en 1965 (Photo de Ann Ronan Picture Library / Photo12 via AFP)

Aldo Tassone n’est pas seulement un homme délicieux, c’est aussi un cinéphile précieux. Des décennies durant, sa silhouette élégante a égayé Cannes, Venise, Berlin … À la sortie des projections, on recherchait sa conversation brillante, ses points de vue originaux, toujours fondés sur une connaissance intime du cinéma, une mémoire encyclopédique et une extraordinaire empathie envers les artistes, même quand ils échouaient. S’il fréquentait les festivals, les salles obscures et les bibliothèques, il se rendait aussi sur les plateaux. Et en particulier, ceux de Federico Fellini.

L’histoire n’est pas banale. Imaginez un jeune romain à la toute fin des années 1960. Féru de cinéma, il écrit une thèse sur le maestro, mais bien sûr n’ose pas demander un rendez-vous au « phare », comme il l’appelle. Il se tourne alors vers son scénariste Ennio Flaiano qui prend le jeune homme sous son aile. Pour le remercier de son travail bénévole de sous-secrétaire, Flaiano lui confie un jour en guise de gratification une chemise qui porte l’inscription 8 ½. « À l’intérieur, il y avait tout simplement l’ensemble des documents ayant servi à la préparation du film (fiches sur les personnages, réflexions, idées, dessins …). Sur la grande couverture colorée, Federico avait dessiné une gigantesque Saraghina, dansant la rumba nue sur la plage de Rimini, digne de Picasso ».Tassone l’a gardée jalousement par devers lui pendant quarante ans avant de la montrer.

Finalement Flaiano présente le jeune thésard au « phare ». Fellini est épaté par la somme de travail accomplie et lui fait « un cadeau inestimable : son amitié éternelle et la permission d’assister à tous ses tournages à vie. Fréquenter Cinecittà aux côtés de Federico était déjà un film en soi. Sur le plateau, le « phare » bougeait sans cesse, il faisait pour ainsi dire tous les métiers : du décorateur – une retouche par-ci, une autre par-là – à l’électricien (« dans un film, la lumière, c’est tout »). Lors des répétitions, après avoir poliment expliqué les mouvements à ses acteurs, il interprétait lui-même le rôle de chacun (« regarde-moi, fais comme ceci … ») ». De 1969 ( Fellini, Satyricon) à 1990 (La Voce della luna), Aldo Tassone a assisté à tous les tournages du « phare ».

Je ne prétendrai pas ici avoir lu les 1465 pages du livre. Mais j’ai lu in extenso les chapitres sur les deux films que je préfère : La Dolce Vita et Amarcord. Je pourrais en citer d’autres, mais pas tous, car, contrairement à Aldo, je ne suis pas un inconditionnel de Fellini. J’avoue que Roma, Le Casanova de Fellini ou La Cité des femmes ne m’ont jamais convaincu. Les prochains chapitres sur ma liste de lecture : Les nuits de Cabiria, 8 ½, E la Nave va. Ensuite, j’irai découvrir des films que je n’ai pas vus comme Il Bidone, les Feux du Music-Hall ou le Cheik Blanc – honte sur moi… L’année 2025 ne sera pas de trop. Et que vogue le navire !

Fellini 23 ½ – Tous ses films – De Aldo Tassone, Traduit de l’italien par Valentina Forte – Éditions Carlotta – 1465 pages, 59 €

Thierry Gandillot

Chroniqueur cinéma culture