Municipales : l’assaut des extrêmes

par Valérie Lecasble |  publié le 19/02/2025

La France Insoumise et le Rassemblement National veulent gagner des villes aux municipales de mars 2026. Les forces de gauche et de droite traditionnelles résisteront-elles ?

Jean-Luc Mélenchon, lors d'une réunion de LFI avant les élections municipales à Villeneuve Saint-Georges, le 23 janvier 2025. (Photo STÉPHANE DE SAKUTIN / AFP)

Jusqu’ici, la forteresse paraissait imprenable. Dans la plupart des 34 000 communes de France, le maire appartient à l’ancien monde : il est majoritairement sans étiquette, au plus proche de ses administrés. S’il est de droite, il professe un conservatisme traditionnel ; s’il est de gauche, il plaide pour une union classique. Les thèmes de campagne électorale se focalisent sur la vie des gens : le logement, le transport, la mobilité, le coût et la qualité de la vie.

Les habitants des villes et villages apprécient leur maire et ont tendance à le reconduire. Celui qui est connu rassure : lors des dernières élections municipales de 2020, désorganisées par l’épidémie de Covid 19, le schéma a fonctionné. La République en Marche (LREM), pourtant parti présidentiel, a obtenu des résultats décevants. Le RN n’a gagné qu’une seule ville importante (Perpignan) tandis que LFI est restée maginale. La victoire historique des écologistes à Lyon, Bordeaux, Strasbourg, Poitiers et Grenoble consacre la percée d’EELV mais ne remet pas en cause le modèle : quoi de plus naturel que de vouloir remiser sa voiture au garage et rouler en ville à vélo ?

Un an avant la présidentielle de 2027, les élections municipales pourraient bousculer le jeu. Jean-Luc Mélenchon a déjà annoncé l’assaut de La France Insoumise, qui se prépare dans 100 villes de France, grandes, moyennes et petites, dont celles de Montpellier, Lille, Nantes, Rennes, Toulouse ou Marseille. Jusqu’à présent, le leader de LFI se fichait des municipales. Cette fois, il s’est convaincu qu’il devait implanter localement son parti pour disposer d’une base de combat lors de la prochaine présidentielle. Il cherche aussi à attaquer le Parti socialiste qu’il accuse de trahison pour avoir pris son autonomie. Il dispose d’une arme de choix : la dérive des Verts. Depuis la constitution du Nouveau Front Populaire, Marine Tondelier joue la carte LFI. Plutôt que de parler d’écologie, elle appelle même à une VIème République, thème cher à Jean-Luc Mélenchon.

« Les écologistes vont faire une garde alternée », parie Jean-Christophe Cambadélis, en choisissant leurs alliances selon les cas, jouant du divorce entre LFI et le PS. Ils auront besoin du Parti Socialiste pour défendre leur réélection dans les villes qu’ils ont gagnées, et de LFI pour conquérir celles que détient le Parti Socialiste. Opportuniste, l’approche est-elle réaliste ? « Les municipales ne nécessitent pas d’accord national mais des alliances locales au coup par coup », détaille l’ex-Premier secrétaire du PS. Une démarche que souhaite aussi adopter le parti de Raphaël Glucksmann, Place-Publique qui se voit en soutien à gauche, en fonction des situations locales particulières.

A droite, le Rassemblement National a aussi annoncé son intention d’accélérer. Pour se constituer une base en vue de la présidentielle, comme LFI, mais aussi pour forcer la droite traditionnelle à nouer des alliances locales et étendre ainsi le rapprochement des droites en France.

Ce grand chamboule-tout peut-il bouleverser les équilibres locaux ? Pour LFI ou le RN, conquérir des villes ne sera pas aisé. L’échec de Villeneuve-Saint-Georges montre que LFI est devenue un repoussoir au second tour. Mais les deux partis extrêmes peuvent gagner des élus. Le RN a déjà remporté 827 sièges municipaux en 2020 soit … 200 de plus que LREM. LFI n’en compte que 46 mais sa force de frappe dans les grandes villes pourrait l’aider à progresser en 2026. Ce qui politiserait la vie des mairies. Avoir le LFIste Sébastien Delogu comme principal opposant au conseil municipal de Marseille serait le pire cauchemar du maire socialiste Benoit Payan. De quoi fracturer encore un peu plus la gauche.

Valérie Lecasble

Editorialiste politique