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publié le 29/01/2025

Votée par le Sénat, la disparition du Plan n’est qu’un symptôme : celui d’un pays qui ne sait pas où il va… mais qui y va très vite.

Image d'illustration (D.R.)

Le Sénat vient de voter (le 22 janvier) un amendement visant à supprimer le Commissariat au Plan. Le dernier responsable de cette institution, où il avait fait preuve d’une activité frénétique, est aujourd’hui Premier ministre. Il doit être enchanté, lui qui cherche désespérément des économies à faire… L’arbitrage de Matignon est attendu avec impatience.

Au-delà de la farce qui se joue ici, cette initiative donne à réfléchir. Dans l’appareil d’État il n’y a pratiquement plus de lieu permettant une réflexion prospective. La disparition du Plan marque la priorité du court terme sur le long terme, de l’urgent sur l’important. Au moment même où les enjeux sont systémiques : déclin démographique, ruptures technologiques, climat, souveraineté, éducation… Triste situation où le navire est dans la tempête alors qu’il ignore le cap à tenir pour arriver au port.

J’ai eu, dans le passé, le privilège de diriger une maison qui faisait de la prospective le fondement de son travail, la Datar. Dans les années 1970, mes prédécesseurs, inspirés par Bertrand de Jouvenel, avaient lancé, avec le Hudson Institute, un vaste travail de réflexion à long terme sur l’organisation de l’espace (les « scénarios de l’inacceptable », la France de l’an 2000) Cet exercice pluridisciplinaire avait exploré tous les risques encourus : hypertrophie de la Région parisienne, enclavement de la Bretagne et du Massif central, bassins d’emplois menacés, urbanisation excessive du littoral…

Sur cette base a été bâtie une politique d’aménagement du territoire volontariste qui, (autre temps, autre mœurs) fut conduite sur la durée : plan routier breton, désenclavement du Massif central, création du Conservatoire du littoral, reconversion industrielle du Nord et de la Lorraine. Même si, évidemment, tous les risques n’avaient pu être anticipés, cette veille à long terme a permis de bâtir une politique de l’espace qui, pour l’essentiel, nous évita « l’inacceptable ».

Cette époque est révolue. On ne trouve plus aujourd’hui de démarche semblable (hormis peut-être au ministère des Armées, avec l’AID et Red Team). De sorte que, de conventions citoyennes avortées en « Grenelle » dérisoires , l’action gouvernementale se fait à la godille.