Nicolas Mayer-Rossignol : pas d’alliance avec LFI même en cas de dissolution

par Valérie Lecasble |  publié le 02/05/2025

Le premier signataire des opposants à Olivier Faure veut gagner le Congrès pour changer le Parti socialiste en imposant une ligne claire, qui rompe avec la stratégie de brutalisation de Jean-Luc Mélenchon. Avec à ses côtés une nouvelle génération, il veut incarner un nouveau socialisme.

Le maire de Rouen Nicolas Mayer Rossignol. (Photo de Daniel Perron/Hans Lucas/Hans Lucas via AFP)

La manifestation du 1er mai a été marquée par l’agression de Jérôme Guedj. C’est la faute de LFI ?

Pas seulement Jérôme Guedj, mais plusieurs élus et militants socialistes. C’est scandaleux et inacceptable. Les assaillants devront être traduits en justice. Je ne fais aucun amalgame, mais ce que je dénonce, c’est le climat de brutalisation du débat public et de fracturation de la société qui est entretenu et assumé par LFI. Ce climat est délétère, dangereux et mortifère. Le Parti socialiste et la gauche doivent en sortir. Je veux un Parti socialiste qui soit clairement à gauche, clairement populaire, clairement républicain.

D’où vient cette violence ?

Une partie de la gauche, notamment LFI qui l’a dominée avec la complaisance de certains, assume la polémique et l’affrontement permanents. Cette stratégie politique est dangereuse pour toute la gauche et pour l’exercice apaisé de notre démocratie. Au lendemain du 7 octobre 2023, LFI a refusé de dire que le Hamas est une organisation terroriste : au PS, le « moratoire » qui s’en est suivi n’était pas une réponse suffisante.
Ce sera l’objet du Congrès du PS : clarifier et trancher la ligne politique. Dans les faits, dans nos débats, tout le monde au PS n’est pas sur la même ligne. Certains continuent de penser qu’il faut avoir une alliance globale avec LFI. Ma conviction est que nous devons en sortir et nous affirmer, clairement, à travers notre propre vision, notre propre offre politique. Parmi les textes d’orientation nous sommes les seuls à être clairs, nets et précis en refusant toute alliance contre-nature. Si demain, je suis Premier secrétaire du PS et qu’il devait y avoir une dissolution, il n’y aura pas d’alliance avec LFI.

Pourtant, vous aviez accepté la constitution du Nouveau Front Populaire ?

Lors de la constitution du NFP, nous avons tous eu nos doutes. Avec la dissolution, nous nous sommes retrouvés avec la menace d’un score très élevé de l’extrême-droite. Nous avons conclu cette alliance car nous avions obtenu la signature d’une Charte, d’un pacte de refus de la brutalisation du débat public. Or, le soir même du résultat et dans les semaines qui ont suivi, LFI a fait voler cela en éclat. LFI a tué le NFP.

Dans Le Nouvel Obs, vous vous êtes prononcé en faveur de Raphaël Glucksmann pour la présidentielle. Or, il n’est pas socialiste…

Je ne me suis pas prononcé pour Raphaël Glucksmann comme candidat pour l’élection présidentielle. J’ai simplement dit qu’il faudra rassembler toute la famille des socialistes et proches qui ont été dispersés. Ils sont aujourd’hui plus nombreux à l’extérieur du PS qu’à l’intérieur où il n’y a plus que 40 000 militants. Ce que je veux, c’est un GPS ! Un Grand Parti Socialiste, qui retrouve au moins 100 000 militants. Ensuite, nous bâtirons une plateforme commune avec toutes celles et ceux qui se retrouvent sur les sujets fondamentaux et les valeurs. Ce GPS, cette Fédération incluront notamment Raphaël Glucksmann, Benoit Hamon, Bernard Cazeneuve, Yannick Jadot, Emmanuel Maurel… Enfin, nous passerons un contrat de gouvernement avec les écologistes et le Parti communiste.
C’est au sein de ce GPS, de cette Fédération qu’émergera une candidature crédible à la présidentielle.

D’ici -là, il y a les municipales…

Merci de le rappeler ! J’entends beaucoup parler de l’élection présidentielle, chaque jour semble amener son lot de nouvelles candidatures et d’ambitions personnelles. Cela me navre. Moi, ma priorité, ce sont d’abord les municipales. Car si nous perdons les élections municipales, on peut oublier tout le reste. Paris, Lille… mais aussi Montpellier, Marseille, Nantes, Nancy, Rennes ou Rouen : les enjeux sont décisifs. Limoges, Saint-Etienne, Lorient… nous pouvons gagner de nouvelles communes ! Nos militants, nos fédérations ne se sentent pas assez soutenus. Écoutons-les, soutenons-les, valorisons-les !
On doit prendre conscience que le Rassemblement national est aux portes des mairies dans de nombreuses villes, sans parler de Perpignan ou Béziers. Et puis soyons lucides, à Montpellier, Marseille, Paris et ailleurs, LFI veut faire perdre la gauche.
La gauche doit retrouver une crédibilité aux yeux des Français. Les alliances électorales doivent découler des convergences sur le fond, pas l’inverse ! On doit rassembler toute la famille socialiste.
Il y a une attente forte. Beaucoup de gens de gauche sont devenus « orphelins » depuis qu’ils ont compris que LFI est une impasse, ou qu’ils sont déçus d’Emmanuel Macron. Il faut parler à toutes ces personnes et les convaincre de revenir vers nous. L’unité ne signifie pas l’unanimité. Il y a toujours eu des débats à gauche, ils doivent revenir à l’intérieur du PS. Ceux qui sont proches l’enrichissent, comme François Ruffin quand il porte la question des travailleurs ou Raphaël Glucksmann lorsqu’il a porté avec nous l’enjeu européen.

Olivier Faure assure que ses opposants suivent la ligne politique de François Hollande ?

Olivier Faure veut faire croire qu’il n’y aurait que lui et François Hollande. Il omet de reconnaître la nouvelle génération de socialistes, cette équipe, cette « dream team » qui émerge à mes côtés avec Karim Bouamrane, Hélène Geoffroy, Philippe Brun, Carole Delga, Lamia El Aaraje, Laurence Rossignol, Michaël Delafosse, Valérie Rabault, Jérôme Guedj… Ils incarnent chacun ce nouveau socialisme que nous portons ensemble.
On verra qui sera candidat à l’élection présidentielle. On sait que Jean-Luc Mélenchon ne la gagnera pas. Il faut en sortir et miser sur ce Grand Parti socialiste cette Fédération que nous appelons de nos vœux.
Finalement la question posée dans ce Congrès est simple : est-on satisfait de la gauche et du PS aujourd’hui ? Si la réponse est oui, il faut voter Olivier Faure. Personnellement, je ne suis pas satisfait d’une gauche à moins de 30% et d’un PS à 40 000 militants.
Nous n’avons par ailleurs aucune leçon de gauche à recevoir. Hélène Geoffroy est maire de Vaulx en Velin et elle ne serait pas de gauche ? Rouen dont je suis le maire est une ville industrielle, ouvrière, populaire et fière de l’être ! C’est un atout d’avoir dans notre équipe des maires et des élus locaux qui savent comment répondre concrètement aux attentes de nos concitoyens.

Si vous gagnez, comment allez-vous gouverner ?

Il faut sortir de l’hyperpersonnalisation et de la verticalité. Un parti politique sert d’abord un collectif. Il faut remettre les militants au cœur de tout. Lors de la constitution de la NUPES, puis du NFP, les militants n’ont même pas été appelés à voter. En Bretagne, en Bourgogne Franche-Comté et dans bien d’autres régions, ils sont restés en colère qu’on leur impose aux élections législatives des candidats parachutés qui n’étaient pas les meilleurs. Si je suis Premier secrétaire, nous assurerons une direction collective du Parti. Avec Hélène Geoffroy et Philippe Brun bien sûr, mais aussi Carole Delga, Karim Bouamrane, Lamia El Aaraje, Jérôme Guedj… J’ai été choisi comme premier signataire après un débat en interne. Il était nécessaire, il a été tranché. J’ai montré mon leadership, ma détermination, ma capacité à travailler en équipe. Il n’y a pas d’homme providentiel. Nous avons besoin de collectif et de transversalité.

Votre motion ne comporte pas de points saillants ?

Je veux un Parti socialiste qui bosse, ce qui n’a pas été suffisamment le cas jusqu’à présent. C’est paradoxal car nous avons plein d’élus locaux, de parlementaires, de militants qui font des propositions audacieuses : Philippe Brun sur les familles monoparentales, Carole Delga sur le désenclavement des territoires ruraux ou isolés, Michaël Delafosse sur la sécurité, la laïcité ou la gratuité des transports… Mais notre famille politique au niveau national ne s’est pas suffisamment appuyée sur ce travail. Notre motion contient des propositions de fond fortes autour de valeurs claires : par exemple un engagement résolument pro-européen, pour une Europe plus intégrée, plus solidaire. Un engagement universaliste pour une France métissée et une République laïque fraternelle.

Elle reste floue sur les retraites ?

Sur les retraites, nous refusons d’enfourcher le cheval de bataille des 60 ans pour tous de Jean-Luc Mélenchon. Cette proposition est populiste, elle n’est en réalité même pas de gauche car elle est injuste. Tout le monde comprend bien que nous ne sommes pas tous égaux à 60 ans, selon que l’on a porté des charges lourdes ou travaillé dans des bureaux. Ce qui compte, c’est l’espérance de vie en bonne santé. C’est du bon sens ! Nous avons combattu la réforme Macron parce qu’elle est injuste, parce qu’elle a supprimé des critères de pénibilité quand il faudrait au contraire en introduire de nouveaux. Si vous travaillez aux urgences d’un CHU et que vous devez porter des personnes âgées malades pour lesquelles il n’y a pas assez de lits ni de chambres, c’est une pénibilité forte, qui n’est pas prise en compte aujourd’hui. Pareil dans l’Education nationale où les métiers sont devenus tellement peu attractifs que l’on n’a plus assez de candidats pour devenir professeur ! Il faut aussi agir sur les niveaux de pensions de retraite des femmes, sur le taux d’emploi des seniors, sur la modulation du niveau de cotisation en fonction du revenu… Je veux bien trouver un compromis sur un âge légal de départ raisonnable, mais à condition que ces éléments essentiels fassent l’objet d’améliorations. C’est d’ailleurs la position de la CFDT. Songez qu’il y a une différence de près de six ans d’espérance de vie en bonne santé entre les ouvriers et les cadres français ! Un trader peut travailler plus longtemps qu’un aide-soignant aux urgences, un cantonnier, un ripeur ou un couvreur sur les toits.
L’autre sujet est que le travail ne paie pas. Il est aujourd’hui plus imposé que la rente ou le patrimoine ! C’est le résultat de la politique fiscale injuste d’Emmanuel Macron. Nous rétablirons de la justice.

Les partisans d’Olivier Faure disent qu’il va gagner. On refait le Congrès de Marseille ?

Le contexte a complètement changé, à l’international et au plan national à la suite de la dissolution notamment. Olivier Faure a perdu des soutiens tandis que nous en avons trouvé de nouveaux. Des personnalités qui incarnent le renouveau comme Karim Bouamrane, Jérôme Guedj, Philippe Brun ou Laurence Rossignol, nous ont rejoint. Parmi les six contributions initialement déposées, nous sommes les seuls à en avoir rassemblé trois. Nous sommes aujourd’hui les seuls en situation de gagner pour changer le Parti socialiste.

Vous auriez pu récupérer Boris Vallaud et être assurés de l’emporter…

Boris Vallaud préfère-t-il le statu quo ou le changement ? Il va devoir répondre à cette question. Il a dit que le PS n’avait pas assez travaillé, pas assez rassemblé : nous sommes d’accord avec cela comme avec d’autres propositions comme le laboratoire des idées, le referendum d’initiative militante, l’institut de formation.
Boris Vallaud a marqué une rupture avec Olivier Faure qu’il soutenait auparavant. Il a 30 parrainages, nous en avons 126 (NDLR : Olivier Faure en a 145). Le rassemblement s’est opéré autour de nous. Il y a désormais deux grandes lignes, et chaque socialiste va devoir trancher. Mais il n’y aura aucun déchirement. Nous voulons une clarification, pas un pugilat.
Nous avons proposé à Boris Vallaud de nous rassembler sur des bases claires. La porte est toujours ouverte, la main toujours tendue. Après le vote du 27 mai sur les motions, il y aura un second tour, le 5 juin. Nous sommes en situation de gagner, pour changer enfin notre Parti. Avec notre équipe, nous portons le changement et la clarté. C’est le nouveau socialisme.

Propos recueillis par Valérie Lecasble

Valérie Lecasble

Editorialiste politique