Nicolas Sarkozy, 70 ans, la quille ?
L’ex-Président de la République pourrait obtenir en raison de son âge une « libération conditionnelle » dans l’affaire dite Bismuth des écoutes téléphoniques où il a été condamné à un an de prison ferme. Avant d’être, peut-être, rattrapé par celle du financement libyen.

Drôle d’anniversaire que celui de Nicolas Sarkozy qui se retrouve le jour de ses 70 ans assis sur le banc des accusés de l’affaire dite du financement libyen de sa campagne présidentielle de 2007. Une affaire hallucinante où l’on trouve des valises de billets transportées en liquide par des hommes d’affaires au cœur de grands contrats internationaux où circulent des millions d’euros de rétrocommissions. L’histoire est racontée dans le détail et avec brio dans la bande dessinée « Sarkozy-Kadhafi, des billets et des bombes » par cinq journalistes, dont Fabrice Arfi de Mediapart, qui ont enquêté pendant des années sur cette triste affaire.
Dans un souci d’efficacité, ils ont réuni leurs informations et les ont délivrées au dessinateur Thierry Chavant. L’impact est plus fort que n’importe lequel de leurs articles : ils y décrivent par le menu toutes les étapes de l’enquête qu’ont menée les juges d’instruction pendant dix ans : réhabilitation de Kadhafi sur la scène internationale après le soupçon de participation au crash du DC10, puis visite à Tripoli de Nicolas Sarkozy, alors ministre de l’Intérieur, suivie de celle de son ministre délégué aux collectivités territoriales Brice Hortefeux, avant la venue en grande pompe de Kadhafi à Paris qui avait installé sa tente pas loin de l’Élysée où Sarkozy venait d’être élu Président de la République.
Puis ils expliquent comment 5 millions d’euros ont circulé en liquide entre la Libye et la France et comment Nicolas Sarkozy a finalement décidé sous la pression de Bernard-Henri Lévy d’intervenir à Benghazi où les révoltés s’étaient insurgés contre Kadhafi qui trouvera la mort de façon inexpliquée.
Digne d’un thriller, toutes les étapes de ce périple sont développées dans cet ouvrage, sans utilisation du conditionnel, et laissent penser que Nicolas Sarkozy a été au cœur d’une incroyable négociation secrète lors du financement de sa campagne électorale de 2007.
« Faisceau d’indices sans aucune preuve », rétorquent les avocats. N’empêche, l’actualisation de cette bande dessinée parue en 2019, tombe à point nommé pour ceux qui veulent s’amuser à comprendre en se divertissant, le déroulé des audiences interminables du procès du financement libyen qui se tient jusqu’au 10 avril au Tribunal correctionnel de Paris.
En ce 28 janvier 2025, Nicolas Sarkozy a toutefois quelque raison d’espérer. « Lorsqu’une personne condamnée a plus de 70 ans, elle peut obtenir une libération conditionnelle quelle que soit la durée de sa peine à condition que sa réinsertion soit assurée », dit le code pénal. Libération conditionnelle ? Il s’agit d’un « aménagement de peine décidé par les juridictions de l’application des peines ». Même si le condamné reste contraint à des obligations, cette disposition tombe à pic alors que Nicolas Sarkozy a été condamné à une année de prison ferme sous forme de port d’un bracelet électronique dans l’affaire dite Bismuth des écoutes téléphoniques.
Opportunément, depuis sa condamnation le 18 décembre dernier, l’ex-Chef de l’Etat n’a pas encore pris rendez-vous avec le juge d’application des peines qui a un délai traditionnel de quatre mois pour l’exécuter. Maintenant qu’il est âgé de 70 ans, tout laisse croire que Nicolas Sarkozy évitera le port du bracelet électronique. Cela ne change rien à l’impression détestable donnée par la multiplication des affaires Bismuth, Bygmalion et autre financement libyen. Mais cela lui permettrait d’échapper à la sanction des juges, ses ennemis jurés depuis vingt ans. À se demander si le temps judiciaire – l’affaire du financement libyen a plus de quinze ans – permet qu’il y ait, en France, une véritable Justice.