Nicolas Vial : de l’ancre à l’encre

par Thierry Gandillot |  publié le 16/12/2024

Dessinateur de presse, Nicolas Vial est aussi peintre officiel de la Marine. Dans deux livres illustrés, il partage ses voyages, réels ou rêvés.

Couverture du livre "Vagabondages - Les Cartes rêvées de Nicolas Vial", édition Gallimard

Les Peintres officiels de la Marine sont quarante, comme les Académiciens. Malgré les sollicitations répétées de ses amis, Nicolas Vial avait toujours esquivé l’invitation à les rejoindre. Il ne voyait pas trop l’intérêt. Mais un jour, son ami Olivier Frébourg, Écrivain de la Marine, un autre corps de prestige, débarque dans son atelier, sanglé dans une magnifique veste de marin qui le faisait ressembler à Corto Maltese, le héros de Hugo Pratt. C’est pour avoir la même que Vial finit par présenter sa candidature, immédiatement acceptée. Il put dès lors porter la tenue d’officier réglementaire numéro 22, mais sans galons, et l’insigne des POM – un œil surmontant une ancre.  Descendant du général Drouot, surnommé le Sage de la Grande Armée, Vial reçoit aussi une carte militaire. Il en est finalement très fier.

Parmi les modestes privilèges du corps, peu connu du grand public mais très prisé par les galeristes, il y a le droit d’apposer une ancre de marine à côté de sa signature. Mais surtout d’embarquer sur un navire de la Marine nationale. Avec Frébourg, Vial embarque donc à bord de l’Astrolabe, un brise-glace qui se trouve envoyé en rotation autour de Madagascar pour ravitailler l’archipel des Éparses et rapporter les déchets polluants qui en défigurent les plages. Il en profite pour rapporter un superbe livre, plein d’exotisme, d’humour et d’émerveillements : Un brise-glace sous les tropiques.

Nicolas est un rêveur qui aime détourner le réel, l’embellir. C’est ainsi que l’idée a germé de travailler à partir de cartes de marine et de leur donner un supplément d’âme. Il lance alors un appel sur les réseaux pour qu’on lui envoie des cartes marines. Il en arrive des centaines des quatre coins du monde, annotées, pliées, déchirées, détrempées à l’eau de mer. Il se met alors à les enluminer.

Sur une carte des Dardanelles, Vial représente une canonnière. Sur une carte nordique, offerte par un officier de réserve de la Marine nationale, il place un voilier « glissant sur des gouffres amers ». Sur une carte des Antilles, la grande balise rouge d’Aman ar Ross, au large de Kerlouan, en Bretagne Nord. On l’appelait « le Boudeur », « car la houle déclenchait un son grave comme la respiration d’un monstre, qu’on entendait à dix milles de là par temps de brume ». Quand il faisait beau, Nicolas et ses amis allaient, de façon tout à fait inconsciente, y pique-niquer. Sur une carte britannique de la Tyrrhenian Sea, de Capo Carbonara au Capo San Vito, au nord de la Sicile, il pose, à côté d’un cuirassier militaire, ces mots d’Apollinaire : « J’ai tant aimé les arts que je suis artilleur. » Sur une carte de la Dominique, il dessine une case créole. « En peignant sur une carte, j’ai l’impression de faire voyager le spectateur, et de voyager doublement », note-t-il. Embarquez avec Nicolas Vial, vous ne le regretterez pas !

Un brise-glace sous les tropiques – Éditions du Chêne, 39 €

VagabondagesLes cartes rêvées de Nicolas Vial – Gallimard, 35 €

Thierry Gandillot

Chroniqueur cinéma culture