Nom : Le Pen – Prénom : Jean-Marine
La disparition du patriarche Le Pen soulève la question de son héritage politique et familial au sein de l’extrême-droite française. Malgré la stratégie de dédiabolisation engagée par sa fille à la tête du RN, son décès rappelle la figure tutélaire revendiquée de tous au sein de ce courant politique.

En France, la mort a ceci d’apaisant : Elle permet une amnésie mécanique dès lors que la grande horloge rappelle les-uns à dieu, les autres au néant. Ainsi, l’ancien tortionnaire de l’Algérie française, multi condamné pour ses agissements, ses propos racistes et antisémites, n’a pas échappé pas à la règle.
Enjambant allègrement ce qui a distingué le gaullisme de la Collaboration, Éric Ciotti à la manière des néo-convertis, se fondait dans une galaxie de personnages tous plus sulfureux les-uns que les autres, se précipitant à l’église Notre-Dame du Val-de-Grâce. Naturellement, le service d’ordre maison filtrait ce qui relevait des anciens félons autorisés à rendre hommage à la figure du père, des petits nervis violents contraints de rester à l’extérieur en compagnie des plumes de Rivarol et autres antisémites notoires, comme Dieudonné. Il n’empêche, à l’image de la disparition du parrain dans le milieu, toute la famille était là.
Un dernier adieu qui rappelle l’ascension hasardeuse et précaire de Jean-Marie Le Pen à la tête du FN à sa création en 1972. Porte-parole rassembleur et plus « propret » que les anciens collabos ou autres groupuscules anti-gauchistes violents, Le Pen père a longtemps incarné l’extrême-droite dans toutes ses composantes. Plus jeune député de la IVème République, il unifiait les chapelles nationalistes, qu’elles viennent du nationalisme révolutionnaire, de la collaboration ou du fascisme revendiqué. Cette cohabitation n’a jamais cessé malgré les querelles et dissensions. La rupture mégrétiste de la fin des années 90’, la place du courant païen, le rôle des initiateurs du club de l’Horloge, celui occupé par Jean-Pierre Stirbois à Dreux et dans la direction du Front jusqu’à sa disparition en 1988 n’ont jamais durablement affaibli la PME des Le Pen. Un nom devenu label d’appellation contrôlé pour les partisans de l’anticonstitutionnelle préférence nationale.
C’est bien ce facteur qui réunissait la foule à la Trinité dans l’intimité familiale, comme à Notre-Dame du Val-de-Grâce. Par-delà les options organisationnelles et les ruptures, le nom Le Pen demeure le socle du national-populisme commun à tous et la raison de la longévité politique du clan. Raison pour laquelle, depuis huit jours, aucun de ceux-là ne s’est hasardé au droit d’inventaire même parmi ceux qui l’ont congédié. Les circonstances seules ne guident pas ce silence : de la petite-fille en passant par les deux filles, l’ex gendre, les anciens alliés, ou les radiés, de Gollnisch à Le Gallou, Le Pen père est demeuré une référence estampillée jusqu’à sa disparition.
C’est la limite de l’exercice pour celle qui a pourtant exclu son père, prétendant avoir fait sa mue. La préférence nationale est le totem d’une famille et d’un courant depuis près de 40 ans avec laquelle la cadette des Le Pen a toujours refusé de rompre.
Jean-Marie Le Pen était encombrant de son vivant, il ne le sera pas moins après sa mort. Son legs unit cette famille recomposée qui veille sur la mémoire du défunt jusque dans ses détails. Le Pen est mort. Jean-Marine survit.