Nominations : les tourments de Rachida
Désignation des dirigeants du CNC, de l’Arcom et de France Télévisions, retour du projet de holding de l’audiovisuel public : le microcosme de la Culture est en émoi.
Quel que soit le sort judiciaire de Rachida Dati – le parquet national financier demande qu’elle soit jugée pour corruption – d’autres échéances l’attendent, qui agitent les milieux de la télévision et du cinéma dont elle exerce la tutelle. Et comme il s’agit de nominations à des postes clés, le milieu bruisse de noms dans une situation politique inédite : le Président de la République subissant une « coexistence exigeante », il n’est plus seul à peser, ce qui complique à loisir la sélection.
Premier dossier : celui du Centre National du Cinéma. Condamné par la justice, son président a démissionné en juin dernier. Son poste est depuis vacant, alors que la mission du CNC est décisive, puisque cet organisme, doté de ressources autonomes, finance d’abord la création, qu’il s’agisse de cinéma ou de production audiovisuelle. Du vide au trop-plein : les candidats ne manquent pas. Des noms ont circulé, une « short list » a été dressée et même une commission désignée pour trancher, tant le choix est délicat, entre les vœux mal accordés de la ministre de la Culture, du premier ministre et du chef de l’État.
Après qu’une proche d’Emmanuel Macron a été écartée, Sabrina Agresti-Roubache, quatre impétrants se dégagent (ce qui n’exclut pas l’entrée en lice de nouvelles personnalités) : l’actuel directeur de cabinet de la ministre de la Culture, Gaëtan Bruel, favori de Rachida Dati ; le numéro deux du CNC, Olivier Henrard ; la directrice du centre national du livre, Régine Hatchondo ; la directrice générale des médias et des industries culturelles, Florence Philbert. Toutes et tous ont les compétences et les qualités requises mais ne réunissent pas le consensus nécessaire à la tête de l’Etat. L’affaire traîne…
Autre nomination observée de près : celle du successeur du président de l’ARCOM – le « gendarme » de l’audiovisuel – Roch-Olivier Maistre, dont le mandat, non renouvelable, se termine début février 2025. Institution d’autant plus importante qu’elle désigne les dirigeants de l’audiovisuel public. Le chef de l’Etat nomme le patron de l’ARCOM, mais il doit veiller à ne pas susciter l’opposition de plus de trois cinquièmes de parlementaires. Par les temps qui courent, le jeu est serré. Celui ou celle qui détiendra les clefs de l’ex-CSA influera sur la compétition qui s’ouvre à France télévisions. Le deuxième mandat de Delphine Ernotte venant à échéance en août 2025, les opérations commenceront dès le printemps.
Munie d’un solide bilan, la présidente est candidate à sa propre succession. Mais le navire amiral de l’audiovisuel public attire les convoitises. Malgré de méchants coups de rabot budgétaires (120 millions d’euros, qui mettront le compte d’exploitation en déficit, a prévenu Delphine Ernotte), la direction de la maison est lorgnée, dit-on, par le président d’Arte, Bruno Patino (mais son départ libérerait un poste délicat à pourvoir), le directeur de l’information de TF1, Thierry Thuillier (lesquels pourraient faire tandem) et Marc-Olivier Fogiel, privé de job depuis son départ de la direction de BFM TV en juillet dernier. La liste va s’allonger, même si une hypothèque plane sur l’avenir de France Télévisions : la création d’une holding de l’audiovisuel public.
La réunion sous le même bonnet de la télévision et de la radio publiques, remise à l’ordre du jour par le président de la Commission de la Culture du Sénat Laurent Lafon, écarterait la fusion chère à Rachida Dati mais installerait une strate de plus au-dessus des têtes de France Télé et Radio-France. Il faudra une nouvelle personne pour la diriger : encore une nomination en vue. Quand on voit comment a été réglée la question de la succession d’Yves Bigot, président de TV5 Monde, remplacé par une ancienne dirigeante de la régie publicitaire de M6 ignorante des rouages de la francophonie, il y a de quoi s’inquiéter. Tournez manège !