Olivier Faure et Hitler
En se lançant dans une comparaison biaisée entre la France d’aujourd’hui et l’Allemagne des années trente, le premier secrétaire sortant du PS dévoile sa véritable stratégie : retrouver à tout prix un accord avec LFI.
Étrange analogie établie par Olivier Faure… « Ne commettons pas la même erreur que les sociaux-démocrates allemands », a-t-il expliqué très récemment. Quelle erreur ? Celle d’avoir toléré la politique d’austérité du chancelier Brüning en 1930-32, qui a favorisé le vote aux extrêmes, puis d’avoir soutenu dans l’élection présidentielle de 1932 le maréchal Hindenburg qui a, un an plus tard, appelé Hitler au poste de chancelier.
Passons sur quelques points de détail : on devine que la référence à Brüning, leader centriste, vise en fait François Bayrou et que l’évocation d’Hindenburg désigne Emmanuel Macron, tous deux accusés de faire le lit de « Marine le Pen-Hitler ». Les esprits pointilleux trouveront la comparaison quelque peu forcée – l’austérité de Brüning (une baisse draconienne des salaires) n’est pas celle de Bayrou, fort heureusement. Quant à la comparaison Macron-Hindenburg, elle est franchement comique. Le maréchal était une vieille ganache réactionnaire aux idées nationalistes et autoritaires plutôt proches de celles des nazis (même s’il méprisait Hitler). Quoi qu’on pense de Macron, l’identification n’a pas de sens.
Rappelons aussi que le concurrent dudit maréchal en 1932 s’appelait Adolf Hitler. C’est pour barrer la route au Führer que le SPD a appelé à voter pour Hindenburg. Dans cette circonstance, fallait-il s’abstenir ? Notons enfin, comme l’a fait Philippe Brun qui répondait à Olivier Faure, que le SPD a été le seul parti à refuser les pleins pouvoirs à Hitler, avant que leurs leaders ne soient emprisonnés ou contraints à l’exil par les nazis.
Mais surtout, Faure oublie de préciser que l’union de la gauche était à l’époque impossible : le Parti communiste (KPD), sur ordre de Staline, avait adopté la tactique « classe contre classe », qui mettait sur le même plan les nazis et les socialistes. En novembre 1931, on lit dans la Rote Fahne, le journal du KPD : « le fascisme de Brüning n’est pas meilleur que celui de Hitler… C’est contre la social-démocratie que nous menons le combat principal ».
Pour la grande majorité des historiens, cette ligne politique a facilité au premier chef l’arrivée de Hitler au pouvoir. Ainsi Jacques Droz, historien du socialisme : « De cette évolution qui aboutissait à l’effondrement des deux grands partis de la gauche allemande, c’est incontestablement le Parti communiste qui porte la plus lourde responsabilité. En dénonçant la social-démocratie, et non le nazisme, comme l’ennemi à abattre, il a fait preuve d’une servilité et d’une cécité dont l’histoire doit lui demander compte ».
L’oubli d’Olivier Faure est éloquent. En suggérant que les socialistes allemands auraient dû jouer l’union de la gauche, Faure gomme complètement la ligne désastreuse imposée au KPD par Staline. Et pour cause : c’est bien qu’il compte, en poursuivant son acrobatique analogie, revenir autant que possible à un accord avec La France insoumise, en gommant de la même manière le comportement sectaire et irresponsable des amis de Mélenchon, qui ne cessent d’insulter les sociaux-démocrates (dernière trouvaille : PS = Parti sioniste…).
On saisit mieux, à travers ce rappel historique, l’enjeu du congrès socialiste de juin prochain : ou bien jouer le renouveau du PS et l’unité des sociaux-démocrates ; ou bien courir désespérément après une union de la gauche que la présence de LFI tirera immanquablement vers le bas, comme elle le fait depuis 2017. Depuis cette date, en effet, la gauche, tous partis confondus, stagne à 30% des suffrages, sans avoir rien regagné sur ses concurrents du centre ou de la droite extrême. Faut-il continuer dans cette voie ?