« On est sur »

par Emmanuel Tugny |  publié le 25/09/2024

Novlangue. De Newspeak, George Orwell, « 1984 ». Langage convenu et rigide destiné à dénaturer la réalité.

Moins notre temps est sûr et plus il est « sur »… La formidable floraison de la préposition locative en dit long sur une époque où l’on vit « sur Paris », où l’on va « sur Kiev », où l’on est « sur un abcès », « sur une angine », « sur un bourgogne », « sur une recette facile », « sur du lourd »…

Tel un papillon qui va de fleur en fleur, ou une mouche en arrêt sur la surface d’un écran derrière lequel la complexité du monde se refuse en se donnant, le mystérieux « on » contemporain volète de dossier en dossier, de lieu de pensée en objet d’examen. Il survole des réalités protégées de la pénétration et se pose « sur » pour examiner sans voir, pour observer sans comprendre, comme s’il se cantonnait à ce « sur » pour éviter le « dans ».

Ce monde refuserait-il à son peuple de « l’habiter », préférant au citoyen conscient un voyageur surplombant et aveugle ? À juste titre, nous ne voulons pas de surhomme. Nous voici avec l’« homme sur ».

Emmanuel Tugny

Emmanuel Tugny