Oncle Vania, rajeuni

par Alfred de Montesquiou |  publié le 18/04/2025

La tragédie comique et désespérée de Tchekhov prend un coup de jeune en passant par la case BD. Une réussite. 

"Oncle Vania", de Rémy Benjamin, d’après Anton Tchekhov, éditions La Boîte à Bulles.

Adaptation graphique audacieuse de la pièce de Tchekhov, cet « Oncle Vania » démontre – s’il en était encore besoin – que le 9ème art est vraiment capable de tout. Y compris de transposer le théâtre en dessin, le russe en français, et les dialogues en fragments de bulles.  Le tout sans rien perdre de la grande poésie, ni de la folie tragique et un brin foutraque qui marque l’original.

Un véritable succès, donc, qui pose néanmoins question : pourquoi offrir une version dessinée d’une œuvre, si la tragi-comédie tchekhovienne a déjà fait trois le tour du monde et si le texte de la pièce est déjà disponible dans d’excellentes traductions ? Ce d’autant plus que le dessin, très stylisé, dans un camaïeu de tons sépia, n’apporte pas une différence fracassante à la compréhension qu’on peut avoir de l’œuvre.

La première réponse est sans doute à trouver dans l’accessibilité de l’œuvre, qui en format BD pourra trouver un nouveau public, sans doute plus jeune et peu expert en littérature russe de la fin de XIXème siècle. Par son accessibilité, son rythme et la poésie des images, cette nouvelle mouture des atermoiements de l’oncle Vania est déjà une vraie réussite.

Mais le scénario, retravaillé par Rémy Benjamin sur une traduction d’André Markowicz et Françoise Morvan, parvient aussi à donner un véritable nouveau souffle à l’œuvre visionnaire de Tchekhov. Le texte s’attache ainsi souligner les thèmes intemporels de la pièce, tels la quête de sens, les désillusions et les compromis de l’existence. Confrontés à leurs frustrations et à leurs rêves inassouvis, les personnages incarnent une humanité touchante et sincère. Et les préoccupations très contemporaines sur l’écologie ou la déforestation du docteur Androv, l’amant malheureux, sont soulignées avec une acuité nouvelle. Bref : un bain de jouvence à mettre entre toutes les mains.

Oncle Vania, scénario et dessins de Rémy Benjamin, d’après Anton Tchekhov, traduit par André Markowicz & Françoise Morvan, 144 pages, éditions La Boîte à Bulles, 24€

Consulter les planches de la BD :

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3ème extrait,

4ème extrait,

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6ème extrait.

Alfred de Montesquiou