Parcoursup en vue

par Boris Enet |  publié le 11/01/2025

Mercredi 15 janvier, la plateforme en ligne marque le début de la phase d’orientation active pour près de 700 000 jeunes majoritairement lycéens. Robuste face aux critiques, elle s’est imposée, tant bien que mal. Trois difficultés majeures persistent.

Parcoursup, plateforme Web pour les lycéens destinée à recueillir et gérer les vœux d'affectation des futurs étudiants de l'enseignement supérieur français. (Photo de Jean-Marc Barrère / Hans Lucas via AFP)

La première difficulté est en voie de résolution. Dans les mains de Philippe Baptiste, ministre chargé de l’Enseignement supérieur et de la Recherche auprès d’Elisabeth Borne, il s’agit d’un grand nettoyage d’hiver visant à vérifier la qualité des formations proposées. Dès 2022, la répression des fraudes signalait les premières arnaques des formations-voyou. Dans ce cadre, un arrêté de déréférencement des formations, en violation de la charte de la plateforme numérique, sera publié avant le 13 mars, tandis que les élèves commenceront la constitution de leurs dossiers jusqu’au 02 avril. 

Seront donc passées à la loupe, l’exactitude des informations fournies, mais aussi la vérification que la plateforme ne sert pas d’hébergeur à d’autres fins qu’éducatives en aiguillant les jeunes gens sur des formations extérieures à Parcoursup aux frais d’inscription particulièrement lucratifs. Autre écueil, le surbooking, pas exclusivement réservé aux compagnies de transport low coast, notamment dans le secteur de l’apprentissage. Disons-le, ces pratiques restent marginales en comparaison des 24 000 formations présentées, mais la pérennité du système attire le tout-venant et impose des régulations, ici comme ailleurs. 

Le second volet est plus complexe à résoudre. Il relève du sérieux avec lequel les enseignants remplissent les appréciations des formations les plus sélectives. Pour que la plateforme fonctionne et que les commissions internes de recrutement soient efficientes, il convient de tenir un langage de vérité. Or, dans ce domaine, le secret de Polichinelle grippe la machine. Les formations les plus sélectives ouvrant sur les classes préparatoires de renom, nécessitent des appréciations circonstanciées et des évaluations le plus objectives possibles lorsque le recrutement est exclusivement sur dossier. La concurrence entre grands établissements publics et ceux relevant du privé ne favorise pas cette véracité dans un monde éducatif désormais concurrentiel. 

Les conséquences de cette déontologie en panne se mesurent auprès d’élèves déçus, victimes d’une désinvolture professionnelle connue, mais passée sous silence. Les établissements du supérieur font de plus en plus preuve de circonspection, découvrant une palanquée de notes voisines des résultats électoraux du parti unique nord-coréen. De quoi entretenir une défiance généralisée qui se retourne contre l’existence même de la plateforme alors qu’il s’agit d’un problème en amont et que l’on tait par commodité. Dans ce domaine, seule la sélection d’enseignants, déterminés à suivre leurs élèves et les aiguiller correctement à l’issue du secondaire, permettrait une amélioration des résultats dans le supérieur. Mais pour cela, il faudrait acter une révolution copernicienne de l’institution sans cesse ajournée : une réforme du statut, une reconnaissance renouvelée et décuplée pour ceux qui y travaillent, en anticipant les sempiternels blocages pavloviens qui sont autant de postures achevant ce ministère.

La dernière barrière à lever consiste à prendre soin d’une génération, en rupture avec l’ancien monde. Loin d’être un phénomène historiquement inédit, cette « génération Z » et ses suivants interrogent manifestement ceux qui les ont précédés parfois jusqu’à l’incompréhension. Leur anxiété à propos de leur avenir est souvent moquée et injuste. La précocité de l’orientation et des sélections qu’elle suppose est un fait objectif qu’elle supporte mal, tandis que l’allongement de la durée des études et le report sur le marché du travail ont probablement repoussé le passage structuré au monde adulte et ses contraintes. Voilà une question devant être assumée par l’institution scolaire et les pouvoirs publics, sans démagogie. Cela signifie que la sélection n’est pas un gros mot et qu’elle doit être assumée dans une société contrainte à la production de connaissances, de richesses pour avancer et faire vivre le progrès. 

Autre chose est la lutte contre la reproduction sociale et ses avatars. Qu’on la nomme Parcoursup ou autrement ne change rien à l’affaire. En revanche, il est impératif que cette jeunesse trouve sa place. Démographiquement désavantagée par son poids en berne dans la société, l’avenir de la nation lui incombe. À ce titre, elle nécessite davantage d’attentions et de solidarités de la part de ses aînés.

Boris Enet