Paris contre Munich

par Laurent Joffrin |  publié le 17/02/2025

Peu à peu, les démocraties européennes prennent conscience de leur responsabilité historique face la trahison américaine : sauver l’une d’entre elles, l’Ukraine, pour se sauver elles-mêmes. Mais le chemin du salut est encore long…

Laurent Joffrin

Quels que soient les désaccords internes, laissons-nous un instant bercer par une fierté un peu cocardière : c’est à Paris, autour du président français, que les leaders européens se sont réunis pour chercher une réponse commune à la trahison américaine en Ukraine. C’est à Paris que les démocraties peuvent éviter un nouveau Munich.

Situation radicalement nouvelle : pour la première fois depuis un siècle, les démocraties confrontées à un défi majeur, l’agression russe qui ne menace pas seulement l’Ukraine, sont abandonnées par la première d’entre elles, qui se flattait jusque-là de guider « le monde libre ». Le monde libre ayant été lâché par le pays qui se présentait comme le paladin de la liberté, l’Europe doit assumer maintenant cette tâche.

Comme toujours, les démocraties, vouées en général à la paix, sont désemparées quand elles sont attaquées. Elles commencent mal les guerres, disait Raymond Aron, mais les gagnent souvent. Telle est notre situation aujourd’hui. Nouvelles nations coloniales, les États-Unis et la Russie veulent partager l’Ukraine – et bientôt l’Europe centrale ? – ainsi que le faisaient les puissances au 19ème siècle avec l’Afrique. Comme dans les années trente, les deux gangsters présidents, Trump et Poutine, veulent ravaler l’héroïque Zelenski au rôle poignant d’un Benes ou d’un Haïlé Sélassié, tous eux jetés en pâture, en Tchécoslovaquie ou en Éthiopie, à l’appétit territorial des fascismes.

L’espoir, pourtant, survit à ces infamies. Une ligne d’action se dessine pour les Européens, qui peut leur rendre leur dignité et préserver leurs intérêts : empêcher toute discussion qui exclurait les Ukrainiens, limiter les pertes territoriales du pays agressé, préserver son gouvernement élu et ses institutions libres, déployer face aux troupes russes des soldats européens dont la présence dissuaderait la Russie de toute nouvelle agression.

Tâche impossible ? En aucune manière : les moyens matériels sont en faveur de l’Europe, dont le PIB est très supérieur à celui de la Russie et les armées aussi nombreuses si elles s’unissent ; forts de cette puissance économique et de la volonté de s’émanciper militairement, les Européens peuvent tenir la dragée haute aux voyous de Washington ; fouetté par le mépris convergent de Trump et de Poutine, leur amour-propre semble se réveiller. Résister aux deux empires hostiles ? C’est d’abord une question de volonté. Celle-ci commence à apparaître.

Laurent Joffrin