Parlement : ce que Faure n’a pas dit

par Laurent Joffrin |  publié le 08/10/2024

Parlant au nom du NFP, le premier secrétaire du PS continue d’alimenter la fable du « hold-up électoral », alors que la gauche est minoritaire. Ce qui est inquiétant pour la suite.

Laurent Joffrin

L’opposition de gauche censure un gouvernement de droite : quoi de plus normal ? Le discours d’Olivier Faure a donc été sévère et ses arguments portent : c’est un fait que le gouvernement Barnier doit tenir compte de la force du RN, qui est comme une épée de Damoclès, ce qui droitise sa politique ; c’est un fait, aussi, que cette politique n’est pas à la hauteur des exigences de justice sociale et climatique qui sont celles de la gauche. La censure, donc.

En revanche, il faut faire la peau à une fable : non, la constitution du gouvernement Barnier, à l’inverse de ce qu’a dit Olivier Faure, n’est pas le résultat d’un « hold-up électoral ». Cette expression n’est que la plate reprise de la propagande de LFI, qui confond volontairement majorité relative et majorité absolue, et qui crie en conséquence au déni de démocratie pour alimenter ses campagnes outrancières.

La coalition de gauche est arrivée en tête, mais cela ne suffit pas à lui donner le pouvoir : très légalement, une coalition plus nombreuse s’est formée par l’addition des députés LR au « bloc central ». Cette coalition gouverne et gouvernera tant qu’elle échappera à la motion de censure. C’est la logique des choses. Si les électeurs avaient vraiment voulu mettre la gauche au pouvoir, ils lui auraient donné une majorité absolue. Ils ne l’ont pas fait : c’est le Parlement qui décide, en dégageant lui-même une majorité.

L’affaire n’est pas seulement légale. Elle suggère la suite : si jamais le gouvernement Barnier tombe, la gauche ne pourra pas plus qu’aujourd’hui revendiquer le pouvoir pour elle seule. Pour gouverner, il lui faudra former une nouvelle coalition, en s’élargissant. Vers qui ? Vers le centre, par définition, quels que soient les cris d’orfraie que pousseront les députés LFI. Ceux-ci – et le PS avec eux – seront ainsi placés devant une alternative : refuser de gouverner, ou bien gouverner avec le centre.

Comme dans une partie d’échecs, c’est le coup d’après, auquel il faut réfléchir maintenant. LFI voudra jouer la crise de régime, dans l’espoir de provoquer une élection présidentielle où Mélenchon pourrait briller. Est-ce la volonté du PS et des autres partis aujourd’hui englués dans le NFP ? Ou bien prendront-ils leurs responsabilités pour former une majorité nouvelle, apte à gagner Matignon ? Tel est le dilemme qu’Olivier Faure n’a pas voulu prendre en compte dans son discours. Pourtant il se posera, peut-être plus tôt qu’on ne croit.

Laurent Joffrin