« Patria o vida ? »
A l’heure où Oscar, ouragan rétrogradé en tempête tropicale, balaie le littoral occidental de Cuba, la population sortait d’une énième coupure électrique de trois jours.
Trop de lassitude étreint la jeunesse cubaine pour pleurer son sort. Tout juste, quelques milliers d’entre eux trouvent-ils la force de taper les casseroles en guise de protestation avant d’être rappelés à l’ordre par la « loi révolutionnaire » incarné par Diaz-Canel, en treillis, sur la chaîne d’Etat.
Pourtant, les slogans révolutionnaires désincarnés et les fresques vieillies du Che n’hypnotisent plus les foules. Les absents ont trop parlé, dont le plus illustre, parti à la mort à trente-neuf ans.
Trente euros de revenus mensuel, un frigo en panne, une éducation suspendue, des soins défaillants et un océan en guise de mur de Berlin, la jeunesse préfèrerait davantage la mort que la patrie, n’en déplaise à Fidel. Pour ce vestige de la guerre froide, l’horizon se limite à la survie, la sempiternelle incantation anti-impérialiste en sus, dans un univers devenu orwellien.
Hyper inflation et dollarisation au grand jour supplantent de loin l’industrie touristique, artificiel îlot au cœur d’une pauvreté endémique. La saignée démographique vide désormais l’ancienne Mecque de la Révolution mondiale de sa jeunesse. Mieux vaut un Cuba Libre, cocktail des gringos que le Mojito d’antan, et sa dose de romantisme révolutionnaire.
740 000 cubains dont une écrasante majorité de jeunes, quittent le pays depuis trois ans, un « vide » pour les démographes.
Que faire si ce n’est fuir, dans un univers ou même la dissidence la plus complice finit invariablement dans les geôles ? Bien sûr, l’embargo yankee pèse tant et tant depuis 1962 : sur les produits de première nécessité, les médicaments, le lait et l’achat de combustibles pour alimenter les huit centrales parmi les plus vétustes de la planète. Comment le nier ?
Mais, à la manière des révolutions panarabes des sixties, dénonçant les affres du colonialisme soixante ans après l’indépendance, ce seul raisonnement ne peut être entendu. Le crime du pouvoir personnel et d’un parti unique au service d’un clan ne s’estompe derrière la vigueur de l’impérialisme américain dans la zone. Les ouvertures tentées sous Obama n’ont pas été saisies à leur juste mesure, comme les timides avancées démocratiques restées lettre morte.
Au final la tempête Oscar est peu de chose dans une économie administrée, sacrifiant trois générations successives. La révolution de 1959 avait bel et bien produit des résultats spectaculaires en matière d’éducation et de santé. L’alignement sur un grand frère soviétique -alors fringant – n’en était pas l’unique cause pour une génération appelée à changer le monde et résister à la proximité de l’envahisseur.
Mais il ne fait pas bon vieillir pour ces « révolutionnaires » empâtés capables d’utiliser sophismes ingénieux et dialectiques contextualisées pour toujours ajourner la démocratie.
L’autre vieillard de Managua, Daniel Ortega, l’illustre régulièrement en tirant sur sa propre population quand ce n’est pas pour soutenir l’agression russe ou les diatribes antisémites de Caracas. Comme les champs de canne à sucre, La Havane plie mais ne rompt pas. Son temps est pourtant compté.