Patrons et syndicats sonnent le tocsin

par Gilles Bridier |  publié le 20/12/2024

Dans une déclaration solennelle, les organisations patronales et syndicales somment les partis de taire leurs différends et de faire face à la crise dramatique qui s’annonce.

Le logo de l'entreprise française, spécialisée dans l'intelligence artificielle générative, Mistral AI est affiché sur les écrans d'ordinateur et de smartphone. (photo de Betul Abali / Anadolu via AFP)

Halte aux querelles inutiles, attelez-vous à l’essentiel ! Ouvrez les fenêtres de l’Assemblée, respirez l’air de la rue, la France a besoin d’un cap ! En publiant une déclaration commune pour alerter sur « le risque d’une crise économique aux conséquences sociales dramatiques », patronat et syndicats (sauf la CGT) appellent les partis politiques à faire preuve de responsabilité et à sortir de la bulle dans laquelle ils s’agitent depuis septembre. Il faut relancer l’activité ! Car à force de gesticuler sans avancer, ils entraînent dans la crise les citoyens qu’ils se piquent de représenter.
Rompus au compromis grâce au paritarisme, la CFDT, FO, la CFTC, la CFE-CGC, le Medef, la CPME et l’U2P pressent les partis de dépasser leurs blocages, quitte à peaufiner les réglages en marchant.

Renversement de tendance

Ce n’est pas simple rhétorique. En 2024, le nombre de fermetures d’usines aura été supérieur au nombre de créations, indique Trendeo, l’observatoire de l’emploi et de l’investissement. Une telle situation ne s’était pas produite depuis 2016. Le ralentissement était perceptible dès le début de l’année 2024, mais le retournement s’est confirmé à la fin du premier semestre.

Les investissements reculent dans l’industrie, de 10% cette année. Et si la France reste le premier pays d’accueil des investissements étrangers en Europe, c’est l’arbre qui cache la forêt, dans la mesure où les investissements français à l’étranger sont d’un montant supérieur. Le solde est donc négatif, notamment avec les États-Unis, forts du rebond de la productivité en sortie de crise Covid alors que celle de la France a reculé. La Banque de France estime que « la productivité du travail en France a baissé de 8,5 % par rapport à sa tendance pré Covid ».

Pour inverser la tendance et rétablir la confiance, les opérateurs ont besoin de visibilité. Mais pas seulement. Comme obstacle à la création de nouvelles usines et à l’extension des sites, Bpifrance note le manque de financement des banques qui ont perdu la culture du risque. Pour la Fabrique de l’industrie, la transition écologique et la volonté d’un renouveau industriel exigent de nouveaux mécanismes de financement. Les incertitudes sur la politique fiscale en France depuis six mois ne sont pas de nature à amorcer un dégel face à l’aversion au risque.

Alerte sur l’AI

Fn novembre, Michel Barnier et son gouvernement avaient présenté le plan « Ambition pour l’industrie », articulé autour de la décarbonation, le développement de l’industrie verte, l’orientation de l’épargne vers l’industrie, et la relance d’une stratégie européenne. En uniformisant la mosaïque européenne, c’est un marché d’un demi-milliard d’habitants (plus qu’aux Etats-Unis), d’un niveau de vie élevé, qui s’offre aux entreprises. Des enveloppes avaient été dégagées à hauteur de 700 millions d’euros pour soutenir dans l’hexagone les secteurs de l’automobile et de l’aéronautique en perte de vitesse. Mais ces mesures ont été remisées. Quel avenir pour l’automobile électrique, et l’intelligence artificielle en France ?

Un exemple avec Mistral AI, l’une des quelque trente licornes française, success story française de l’IA, en concurrence avec ChatGPT et OpenAI. La barre est très haute pour grandir encore. Et pour passer l’obstacle sans céder aux sirènes de Google ou Microsoft qui se sont rapprochés d’elle, l’entreprise doit s’adosser à un écosystème solide. Or, la croissance du numérique tend à marquer le pas en France. Pourtant, l’innovation est prioritaire et l’intelligence artificielle est un moteur de compétitivité pour les entreprises. Mais sans leviers de développement suffisants, une entreprise comme Mistral AI serait obligée de s’expatrier pour continuer son développement, emmenant avec elle toute une dynamique de croissance, comme bien d’autres start-up. L’enjeu est capital, pour la France comme pour l’Europe face aux États-Unis, comme le souligne dans un rapport l’ex-président de la BCE Mario Draghi. Et le sursaut est urgent.

Gilles Bridier