Perdre une élection ou perdre son âme
Villeneuve-Saint-Georges ressemble au dernier laboratoire des divisions de la gauche. Cette ville moyenne du Val de Marne, jadis bastion du PCF, soulève une question élémentaire : la gauche doit-elle se ranger au second tour derrière LFI, incarnée ici par Louis Boyard ?

En décidant de se retirer, la liste de gauche (PC/PS/EELV) a refusé la fusion avec LFI, dans l’espoir d’un barrage à la droite. Louis Boyard ne le souhaitait pas davantage, exigeant l’exclusion du PS, le refus de la proportionnalité des voix obtenues, issues du premier tour pour composer la liste, notamment.
Les populistes tentent toujours de tordre les faits au mépris des réalités les plus incontournables. Aux dernières élections européennes de Villeneuve-Saint-Georges, la participation s’élevait à 39% contre 31% aujourd’hui. Dimanche soir, La France Insoumise a perdu 15% tandis que la gauche, emmenée par Daniel Henry en a gagné 10. Le raz de marée auto-proclamé n’a pas eu lieu, loin s’en faut, malgré la dernière note de bloc du génialissime Mélenchon.
Sans sursaut supplémentaire, en nombre de voix, l’addition de la gauche et de LFI, arriverait donc péniblement à 2000 tandis qu’à cette heure, la fusion des listes de droite est actée. Une droite éclatée, minée par les histoires sordides dont un salut nazi – décidément en vogue – pour l’actuel premier édile.
Arithmétiquement, la droite pourrait avoisiner les 2500 voix en cas de report strict des 3 listes en lice du premier tour. Autrement dit, la messe est probablement dite, enregistrant une nouvelle défaite insoumise, après le récent fiasco de la première circonscription iséroise.
Cet échec supplémentaire illustre la stratégie de LFI dans cette commune présentée comme la plus pauvre du département francilien. Les moyens pour attirer avec complaisance le vote communautaire des « quartiers » n’ont pourtant pas manqué : photo de Fadwa Sadak, colistière, vêtue d’un keffieh, illustré par la mosquée Al Aqsa, présence sur la liste d’un islamiste explicite, en la personne de Mohamed Ben Yakhlef. Cet admirateur du « Hamas (…) mouvement de résistance contre un État terroriste qui commet un génocide », est aussi un supporter attristé de la disparition de Yahia Sinwar, boucher du 7 octobre 2023, mais également un des chefs du Hesbollah Haniyeh ou Nasrallah.
Rima Hassan ferait presque pâle figure à côté. Trop indigeste pour des électeurs progressistes à l’heure des commémorations du 80e anniversaire de la libération d’Auschwitz ? Probablement. Le premier fédéral, président du groupe socialiste au conseil régional et partisan d’Olivier Faure, Jonathan Kienzlen sait la séquence compliquée et médiatiquement scrutée.
Le Parti Socialiste, en l’absence d’un congrès qui tarde à venir, poursuit son rôle de funambule. Désolidarisé de LFI après la décision de ne pas voter la censure dans un contexte de tensions démultipliées et de retournement de conjoncture économique, il n’en reste pas moins membre du NFP, au moins formellement.
Sur BFM, Benjamin Duhamel avait beau être insistant sur la persistance de l’alliance avec LFI, Olivier Faure utilise maintes circonvolutions pour ne fâcher personne. S’il peut se prévaloir, aux côtés de Boris Vallaud et de Patrick Kanner, d’avoir ramené des « victoires » aux français en évitant le chaos d’une censure supplémentaire, chiffrée à 12 milliards par la droite parlementaire, il faudra bien répondre à la question tôt ou tard.
En réalité, l’exigence du retrait de Ben Yakhlef de la liste Boyard par les socialistes locaux, est une piètre offensive. Premièrement, il n’est qu’un parmi d’autres dans les rangs de cette nébuleuse à défendre de telles positions islamo-compatibles. À la manière de la dédiabolisation du RN lorsqu’il s’agit de nettoyer les CV et fouiller les réseaux sociaux, la normalisation complète est toujours pour demain, et pour cause.
La France Insoumise présente les mêmes caractéristiques à l’égard de la collaboration islamiste que celles du RN à l’égard de ses fréquentations nationalistes les plus inavouables. Rien d’étonnant que se dessine de plus en plus fréquemment un front anti-LFI sur le mode du front républicain anti-RN.
De plus, la stratégie de Villeneuve-Saint-Georges est un test devant valider la ligne du caudillo : l’affrontement partout où cela est possible avec la gauche, de préférence socialiste, afin de l’affaiblir avant de s’enraciner localement. Autrement dit, en l’absence de candidature d’extrême-droite, la solution respectueuse des valeurs de la gauche républicaine plaidait pour le maintien de sa liste. Mieux vaut perdre une élection que de perdre son âme, mieux vaut résister que de collaborer.