Pétrole : Trump le maître-chanteur

par Gilles Bridier |  publié le 29/12/2024

Le président élu promet à l’Europe des sanctions douanières si elle n’achète pas plus de pétrole américain. Tout le contraire d’une menace en l’air…

Donald Trump lors de la conférence annuelle de quatre jours : AmericaFest de Turning Point USA au Phoenix Convention Center le 22 décembre 2024, Arizona. (Photo de Rebecca Noble / Getty Images via AFP)

Quel est le sens des déclarations de Donald Trump le 20 décembre dernier, menaçant l’Europe d’un relèvement « des tarifs douaniers jusqu’au bout » au cas où l’Europe n’achèterait pas « à grande échelle » du pétrole et du gaz américains ? À travers ce chantage, le futur locataire de la Maison Blanche veut obliger les pays européens à réduire le déficit américain des échanges de biens avec l’Europe, omettant au passage de préciser que la balance des services est – elle – largement excédentaire pour les États-Unis.

Le président élu est en retard sur l’actualité. Certes, les importations de pétrole américain ne représentaient que 8% du total des importations européennes en 2021, contre 25% pour le pétrole russe. Mais elles ont plus que doublé aujourd’hui en raison des sanctions imposées à la Russie depuis le début de la guerre en Ukraine. Au premier semestre 2024, les États-Unis sont devenus le premier fournisseur de pétrole de l’Europe. Sans qu’il ait été nécessaire pour autant de brandir des menaces fort mal venues entre alliés.

En outre, quelle peut être la portée de ces propos ? Les importations d’hydrocarbures en Europe ne sont pas centralisées et chaque pays de l’UE est souverain en matière de politique énergétique. Difficile de moduler les tarifs douaniers en fonction des importations de pétrole américain de chacun des membres de l’Union européenne…

Surproduction de pétrole

En quelques années, le marché des hydrocarbures s’est transformé. Les États Unis sont devenus les premiers producteurs de pétrole dans le monde avec environ 19% du total, et les compagnies pétrolières ont bien compris que le retour de Donald Trump aux affaires annonçait celui des énergies fossiles dans le pays. Mais le contexte mondial n’est pas idéal. En six mois, le prix du baril a perdu 10 dollars, finissant l’année 2024 à quelque 70 dollars. Le monde, en fait, ne manque pas de pétrole, d’autant que la Russie fournit encore 11% de la demande mondiale malgré les sanctions. L’OPEP anticipe une situation de surproduction en 2025, et l’Agence internationale de l’énergie table sur un pic de la demande en 2030 qui pourrait mener à un « excédent majeur » et à une baisse des cours dommageable aux producteurs.

Les États-Unis n’ont pas la maîtrise des prix du pétrole. Ils sont face aux pays de l’OPEP qui représentent ensemble plus du tiers de la production mondiale. Lorsqu’ils veulent soutenir les cours, les membres de l’OPEP s’accordent sur des réductions de production. Mais ils rechignent désormais à s’imposer des contraintes qui permettraient aux Etats-Unis, devenus leur principal concurrent, d’augmenter leur part de marché.

Ainsi, pour soutenir les pétroliers qui ont contribué à son retour à la Maison Blanche, Donald Trump ne cherche pas seulement à pousser les énergies fossiles à l’intérieur des États-Unis afin que les entreprises puissent jouir d’une énergie bon marché qui les rende plus compétitives. Il veut tordre le bras aux membres de l’Union européenne afin d’ouvrir les accès les plus larges possibles aux compagnies américaines. Quitte à contourner le fonctionnement des marchés et à repousser à plus tard les stratégies « bas carbone » nécessaires à la lutte pour le climat.

Les menaces de Donald Trump sont l’expression d’un rapport de forces assumé par le héraut du Make America Great Again. On peut penser que de tels coups de butoir contre l’UE, sur d‘autres dossiers que les hydrocarbures, vont se multiplier lorsque le président élu aura intégré la Maison Blanche. L’Union européenne est prévenue : si elle veut affirmer sa souveraineté, elle va devoir serrer les rangs.

Gilles Bridier