Pierre Poilievre, le Trump des neiges

par Malik Henni |  publié le 10/01/2025

Après plus de neuf ans à la tête du Canada, Justin Trudeau a annoncé sa démission. Portrait de celui qui domine les sondages de près de 20 points, le chef du parti conservateur Pierre Poilievre. 

Pierre Poilievre, leader du parti conservateur du Canada, lors d'une conférence de presse à Ottawa, le 9 janvier 2025. (Photo de Dave Chan / AFP)

Élu à la Chambre dès ses 25 ans, le chef de l’opposition officielle est souvent décrit comme un « Trump à la sauce sirop d’érable » (l’expression est de l’ancienne ministre des Finances de Trudeau, Chrystia Freeland). Il en partage le style : volontiers dans l’outrance verbale, il avait été expulsé une journée du Parlement pour avoir traité le Premier ministre de « cinglé ». Ses slogans ne sont pas sans rappeler ceux du milliardaire républicain : « Canada first » ou encore « Cut the aid ».

Sur le fond, Pierre Poilievre ne brille pas non plus par ses propositions justes et mesurées : il veut ainsi couper les subventions des médias publics, augmenter la production de pétrole et de gaz pour en arrêter l’importation, soumettre la suppression de la taxe carbone à un référendum et démocratiser l’usage des cryptomonnaies « pour lutter contre l’inflation ». La responsable de cette dernière ne serait d’ailleurs nulle autre que la Banque du Canada, dont il souhaite supprimer le droit d’émettre les dollars canadiens, sans plus de précision. 

Sur les questions de société, Poilievre se démarque par un flou artistique aux couleurs « d’antiwoke ». Bien que plusieurs fois ministre, ses positions affichées ne vont pas plus loin que le simple slogan : c’est un pro du marketing. Dans un entretien d’une heure quarante avec le pape de cette mouvance, le canadien Jordan Peterson, il insiste sur sa volonté de revenir à des valeurs traditionnelles. Il avait notamment soutenu le « Convoi de la Liberté », ces centaines de camionneurs qui avaient occupé le centre-ville d’Ottawa pour s’opposer aux mesures anti-Covid. Concernant la question québécoise, il a tenu des propos inédits pour un élu fédéral. Voulant à tout prix réduire le poids de l’État dans l’économie, il assure ainsi : « Le Québec aura plus d’autonomie, quand je serai Premier ministre, que dans l’histoire du Canada ». 

Cependant, Poilievre, malgré les outrances qui peuvent le caractériser, mise avant tout sur le ras-le-bol d’une population canadienne soumise à une croissance en berne. Il souhaite attirer les investissements de Tesla – Elon Musk a par ailleurs montré son soutien à plusieurs reprises au conservateur sur son réseau social. Prudent, le probable futur Premier ministre n’a pas affiché de soutien à Donald Trump pendant la présidentielle américaine, mais assure qu’il trouvera un deal avec lui. Depuis, le milliardaire a parlé de son pays comme du potentiel « 51ème Etat » des Etats-Unis. De quoi rafraîchir la relation entre les deux hommes ? 

Quoi qu’il en soit, si les sondages se confirment et que Pierre Poilievre accède au pouvoir, le G7 ne comptera plus qu’un seul chef d’État ou de Gouvernement de centre-gauche, le britannique Keir Starmer, face à deux élus d’extrême-droite et quatre conservateurs ou libéraux. 

Malik Henni