Pleine lumière sur le « déficit caché »

par Gilles Bridier |  publié le 21/02/2025

Pas de miracle du côté de la Cour des comptes qui confirme et explique les raisons du déficit croissant des régimes de retraite.

Le président de la Cour des comptes, Pierre Moscovici, aux côtés de la ministre chargée du Travail et de l'Emploi Astrid Panosyan-Bouvet, présente les résultats du rapport sur les retraites au Premier ministre François Bayrou, le 20 février 2025. (Photo de STEPHANE DE SAKUTIN / POOL / AFP)

La Cour des comptes a donné son verdict : le COR (Conseil d’orientation des retraites) a raison et François Bayrou n’a pas tort. Dans le rapport remis au Premier ministre le 20 février, les Sages valident les projections du Conseil : après un léger excédent de 8,5 milliards en 2023, le régime des retraites devrait être déficitaire de 6,6 milliards cette année. Le déficit devrait doubler en dix ans (15 milliards de en 2035) et encore doubler sur la décennie suivante (autour de 30 milliards en 2045). La dégringolade est abrupte. Mais d’où vient la différence avec l’estimation du Premier ministre, qui annonçait un trou de 55 milliards à l’horizon 2035 ?

La rumeur d’un « déficit caché » a couru comme si une forme de complot avait été fomenté sur le dossier des retraites. Ce scénario improbable, qui aurait discrédité le COR, tient à l’extrême complexité du système des retraites en France. Avec sa quarantaine de régimes différents, de base ou complémentaires, et ses multiples sources de financement qui nuisent à la transparence, le système se prête mal à une approche globale. La faute aussi à des logiques comptables différentes, entre le secteur privé et le public. La contribution de l’État aux retraites des fonctionnaires, notamment, fait débat. « L’État cotise au régime de retraite de ses fonctionnaires avec des taux apparents bien plus élevés que les entreprises privées au régime général » note la Cour. Mais elle précise aussi que cette contribution de l’État, de 45 milliards d’euros en 2023, « mélange, sans distinction possible, une cotisation employeur, le financement de dépenses de solidarité, non couvertes par des cotisations dans le régime général, et un éventuel apport pour équilibrer le régime ». Bref, on mélangerait des torchons et des serviettes en additionnant les déficits des régimes du privé et les contributions d’équilibre du secteur public. François Bayrou aurait donc manqué de nuance, mais ses chiffres ne sortaient pas de nulle part.

Il n’en reste pas moins que les retraites versées en France devraient porter sur 414 milliards d’euros en 2025 et avoisineront 460 milliards en 2035 et 500 milliards en 2045, alors que les ressources (près de 14% du PIB aujourd’hui) progresseraient moins vite.

D’où des adaptations à apporter, en tenant compte de la structure actuelle du financement des retraites. Aujourd’hui, les cotisations sociales du privé (salariés et entreprises) alimentent pour 66% le régime général, le reste provenant de la CSG, de transferts de TVA et de compensations de l’Etat. Dans le public, fonctionnaires et employeurs participent aux dépenses à hauteur de 24%, l’Etat contribuant à 75% en ponctionnant le budget. La situation est surtout critique pour les caisses concernant les fonctionnaires territoriaux et les personnels des hôpitaux, alors que les caisses du régime complémentaire Agic-Arcco, gérées par les syndicats et le patronat, demeurent excédentaires.

Autre réalité indiscutable: pour les salariés du privé, le rapport entre le nombre de cotisants et le nombre de retraités va diminuer, passant d’environ 1,77 en 2025 à 1,66 en 2035 puis à 1,54 en 2045. Mais dans le public, la dégradation de ce ratio va être encore plus rude, passant de 1,6 en 2023 à 1,3 en 2033 et 1,1 en 2045. Comment faire face? La baisse du montant des pensions, programmée, ne suffira pas. Dernière précision: l’âge moyen de départ est déjà de 63 ans, ce qui devrait être mieux pris en compte dans les débats afin d’éviter le blocage très politique sur l’âge de départ.

Gilles Bridier