Plus besoin de demander leur démission!
Pour la première fois, c’est une ministre démissionnaire qui a présenté la rentrée scolaire. Symbole d’une France ayant démissionné de toute ambition scolaire ?
Pouvait-on imaginer un symbole plus fort que celui d’une rentrée scolaire placée sous le signe de la démission ? En l’occurrence celle, étonnamment durable, du gouvernement et donc de sa ministre. Il y a de quoi rager quand tout indique au contraire que l’on n’a jamais eu autant besoin d’éducation, que notre système éducatif reste encalminé dans des difficultés à la fois structurelles et culturelles, au premier chef d’entre elles des inégalités qui n’ont probablement jamais été aussi fortes.
Face à la presse, la ministre a fait ce qu’elle a pu pour sauver les apparences. Avec un certain courage, elle a même pris ses distances avec ce gouvernement démissionnaire et celui qui est la cause de ce processus délétère. Sur la forme, il n’y a pas lieu d’être très inquiet sur le déroulement proprement dit de la rentrée. Elle se passera bien, comme d’habitude. Les recteurs, leurs services et les chefs d’établissement y auront veillé depuis de longs mois. Chaque rentrée se prépare en effet longuement et lorsqu’elle survient, le ministère et les responsables académiques en sont déjà à réfléchir à la suivante. Il y aura bien ici ou là quelques couacs organisationnels, mais la rentrée suivra son cours.
En revanche, sur le fond, quel désastre ! Tant de réformes essentielles restent en plan. Non pas que dans leur contenu actuel elles emportent satisfaction, mais comment nier leur absolue nécessité ? Certes, il y aura bien des groupes de travail, heureusement redénommés « groupes de besoins » par la ministre, pour améliorer en collège les apprentissages des élèves les plus en difficulté. Mais la plupart des établissements qui en ont réellement besoin auront bien du mal à en faire un dispositif efficace, faute non seulement de moyens, mais aussi, souvent, de savoir-faire.
Et surtout, comment oublier au moins deux questions essentielles ?
La première, celle de la formation des maîtres, et au-delà celle de la profession elle-même, sa réhabilitation sociale pourrait-on dire. Le niveau de diplôme et la rémunération des futurs enseignants sont évidemment importants. Mais, au-delà, comment croire à une réelle formation au métier, lorsqu’elle est de plus en plus exercée par des enseignants, certainement compétents dans leurs disciplines, mais n’ayant jamais mis les pieds dans une classe de primaire ou de collège, n’ayant jamais été confrontés à la réalité du métier ?
Ce sont aussi avec des enseignants éprouvés (au double sens du terme) que l’on doit concevoir ces futurs instituts. De façon que les futurs enseignants sachent réellement de quoi leur métier sera fait. Comment s’étonner ainsi que de très jeunes enseignants fassent merveille dans certains quartiers difficiles, sinon tout simplement parce qu’ils connaissent ces milieux dont ils sont souvent originaires. Ils compensent ainsi par leur expérience pratique une formation déficiente.
D’où le deuxième sujet qui manque à l’appel, celui du budget, celui sans lequel rien ne se fera si la France veut réellement sortir de son marasme éducatif, reconnaître la profession à sa vraie valeur, lutter efficacement contre les inégalités. La ministre a dit, aussi clairement que possible, qu’il ne pouvait répondre aux exigences du moment. Là encore, la France va-t-elle démissionner ?