Poésie de l’adolescence
Quand un sonnet de la Renaissance refait surface en « teen story » dans un lycée de banlieue, les mots d’amour se font éternels.
« Je vis, je meurs ; je me brûle et me noie / J’ai chaud extrême en endurant froidure : La vie m’est et trop molle et trop dure. J’ai grands ennuis entremêlés de joie… » Vous aurez sans doute reconnu la première strophe d’un des chefs d’œuvres de poésie de la Renaissance française, le sonnet de Louise Labé sur l’amour.
Un poème intemporel, et pourtant fort hermétique, que deux jeunes bédéistes ont eu l’ambitieuse idée d’adapter en variation graphique aux goûts du temps, à l’intention des ados. Avec « Un Message de trop », Charlotte Bousquet et Joseph Kai signent ainsi une B.D. qui aborde avec délicatesse les complexités du premier amour adolescent, adaptant le sonnet aux enjeux d’aujourd’hui.
L’histoire met en scène Maëva, lycéenne réservée et peu sûre d’elle, bouleversée par une rencontre fortuite avec Sanjay, un garçon aussi mystérieux que fascinant. Dès lors, sa vie se trouve happée par une spirale d’émotions contradictoires : désir intense, doutes constants, jalousies furtives et peurs tenaces.
La force du récit tient à cette justesse émotionnelle, qui retranscrit avec authenticité les états d’âme souvent exacerbés d’une adolescente à l’heure des réseaux sociaux. Le tout accompagné avec talent par un dessin épuré, aux couleurs vives et contrastées, qui renforce la modernité d’un récit non dénué de poésie.
On découvre au fil des pages une jeunesse qui n’a pas entièrement abandonné la lecture – contrairement à ce qu’affirment les statistiques – mais simplement changé de support. Les écrans bleus des smartphones sont devenus la page blanche où s’écrivent les amours naissantes, à coups de messages et d’émojis, cryptiques comme des haïkus.
Un Message de trop, scénario de Charlotte Bousquet, dessin de Joseph Kai, éditions Nathan, 96 pages, 10€
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