Pourquoi Anne Hidalgo ne veut pas d’Emmanuel Grégoire
Selon la maire de Paris, son ex-dauphin, candidat à sa succession, dont elle critique la ligne, risquerait de faire perdre la capitale à la gauche.
« C’est une question de ligne et d’alliance politique, et un problème de personne qui n’a pas fait ses preuves ». Dans son grand bureau glacial de l’Hôtel de Ville (inchauffable à cause de son volume), Anne Hidalgo ne mâche pas ses mots. Mais elle prend son temps pour expliquer pourquoi elle a préféré faire confiance au sénateur Rémy Féraud plutôt qu’à Emmanuel Grégoire, son ancien premier-adjoint, pour lui succéder à la tête de la capitale.
La primaire fait rage entre les deux hommes, des listes de soutiens à Grégoire circulent, Féraud promet de « fendre l’armure », les deux camps sortent les armes, le microcosme parisien est en alerte. La bataille interne aux socialistes va empoisonner le climat des prochaines semaines. La maire ressent le besoin de raconter comment on en est arrivé là, alors que la droite espère plus que jamais retrouver l’ancien fief de Jacques Chirac, les scores accordés par les sondages à Rachida Dati étant flatteurs.
S’il y a rupture entre Emmanuel Grégoire et celle qui l’avait désigné dauphin au départ, ce serait, selon Anne Hidalgo, parce que son second n’a cessé de montrer des failles depuis 2022. D’abord en croyant son heure arrivée après le score désastreux de la maire à la présidentielle. Bertrand Delanoë comme Olivier Faure conseillent alors à Grégoire de prendre ses distances avec la candidate humiliée. « Il m’enterre », affirme -t-elle, déplorant son évolution et son manque de solidarité.
L’affaire du projet de vente du Parc des princes serait un autre exemple de manquement. Alors que la maire refuse catégoriquement d’envisager de se séparer de ce stade, Grégoire rend visite à Nicolas Sarkozy qui plaide pour une vente au Qatar. L’ancien Président appelle la maire pour la prévenir qu’avait été évoquée une solution pour le Parc. « Je n’étais pas au courant », lui dit-elle très agacée, réitérant son refus de négocier. Sarkozy s’amuse de la situation : « Je connais. J’ai été beaucoup trahi… »
Il y a eu aussi l’épisode d’une interview au Figaro où Grégoire annonçait se « préparer » et se faisait fort de changer de « méthode » dans la gestion de Paris avec des fonctionnaires apolitiques. Anne Hidalgo pense que son adjoint part en vrille et le lui dit : « Tu vas où, là ? Ressaisis-toi. Si tu veux exister, occupe-toi plutôt de combattre Dati ! ». L’intéressé aurait promis de se reprendre et même assuré : « Tu vas être fier de moi ! »
Mais l’épisode des législatives de 2024 consomme la rupture. Tandis qu’Anne Hidalgo continue de ne pas dévoiler ses intentions sur un éventuel troisième mandat, la dissolution clarifie la situation (au moins sur ce point !). La maire voulait confier la seule circonscription parisienne accordée à une candidature socialiste par le NFP à une proche, Lamia El Aaraje. Olivier Faure convainc Emmanuel Grégoire de se lancer, et lui donne l’investiture. Fureur de la maire, qui est en opposition ouverte avec la ligne Faure.
Pendant l’été, Rémy Féraud propose ses services. Anne Hidalgo décide de le soutenir et annonce qu’elle ne se représentera pas. Le nouveau dauphin est encore un inconnu du grand public mais, assure la maire, bénéficie de l’appui quasi unanime des maires d’arrondissement. La fédération est partagée entre partisans et adversaires de la stratégie d’union avec LFI. L’étiage se situerait à un rapport 60/40, en faveur des soutiens à la ligne Hidalgo, favorable à un accord avec Raphaël Glucksmann, en phase avec les électeurs.
Anne Hidalgo affirme avoir comme seul but la victoire de la gauche à Paris aux municipales de 2026. Donner l’investiture à Grégoire serait, selon elle, le prélude à une défaite. Elle lui reproche de ne pas être fiable et de s’être mis dans les mains de son ennemi Olivier Faure. « Il ne peut pas être maire de Paris, cela ne peut pas marcher ! », répète-t-elle. On aura compris que si Grégoire était finalement investi contre ses voeux, la maire n’aurait pas dit son dernier mot. Au point de susciter une nouvelle candidature ?