Pourquoi Israël gagne

par Gilles Bridier |  publié le 26/06/2025

Capable de se projeter sur plusieurs fronts à la fois, Israël joue la coordination avec les États-Unis mais développe aussi son industrie d’armement jusque dans le nucléaire.

Stands du pavillon israélien, présentant des systèmes de missiles ELBIT, lors du 55e Salon du Bourget, le 18 juin 2025. L'espace d'exposition, abrite les entreprises israéliennes Rafael, Elbit, IAI et Uvision. (Photo Nicolas Economou / NurPhoto via AFP)

Entre les États-Unis et Israël, la coordination est totale sur le terrain militaire. On l’a vu en Iran, où Tel-Aviv a d’abord cloué au sol l’aviation militaire et anéanti les systèmes de repérage anti-aérien à l’aide de ses missiles et de ses F35 américains, avant que Washington ordonne à ses bombardiers B2 d’achever le travail de destruction sur les sites nucléaires iraniens. Cela juste avant la réunion des pays de l’Otan où Donald Trump a pu parader, le 25 juin, devant le choeur conquis des 31 autres chefs d’États membres.

Cette coordination n’a rien de fortuit. En-dehors de son soutien politique sans faille, malgré certains recadrages, les États-Unis ont fourni à Israël 69% de ses importations d’armes depuis dix ans, a indiqué en octobre dernier le Sipri, Institut international de recherche sur la paix de Stockholm, qui fait référence en la matière. En réalité, depuis les accords de Camp David de 1979 entre Israël et l’Égypte, Washington octroie chaque année à Tel-Aviv une allocation de 3,3 milliards de dollars qui sert à acquérir de l’armement auprès de l’industrie américaine, en plus du demi-milliard réservé à l’entretien du « dôme de fer » et de sa sophistication technologique. Les aides et les achats peuvent même aller au-delà, grâce aux budgets votés par le Congrès américain en soutien à Israël, au bénéfice des Lockheed Martin et autre Raytheon Technologies.

Avec l’Allemagne, qui a fourni 30% des achats de matériel militaire d’Israël à l’étranger sur la période, en véhicules blindés et frégates en plus d’armements divers, l’essentiel des importations d’armes est donc réalisé avec seulement deux pays. L’Italie (qui a fourni notamment des hélicoptères de combat) et l’Espagne furent également des contributeurs avant le 7 octobre 2004. Mais le Sipri note l’arrêt de tout nouveau contrat de ces deux pays depuis la révélation des crimes de guerre contre des populations civiles à Gaza, ce qui ne semble pas être pas tout à fait le cas de l’Allemagne. Le Canada et le Royaume Uni, dont les ventes à Israël se situaient entre 20 et 49 millions de dollars avant la guerre à Gaza, ont également pris leurs distances.

Quant à la France, elle n’aurait pas, selon l’institut, procédé à des « exportations d’armes majeures » vers Israël depuis 1998. En revanche, Paris aurait vendu à Tel-Aviv des « composants de base » électroniques, pouvant équiper des matériels militaires israéliens comme des drones, être utilisés pour le « dôme de fer », ou être intégrés dans des productions destinées à être réexportées. Mais si le gouvernement assure ne livrer aucune arme létale à Israël et se cantonner à des usages défensifs, les composants en question peuvent aussi entrer dans la fabrication d’équipements militaires offensifs, torpilles, mines ou autres roquettes. Selon son rapport au Parlement, l’exécutif fait état de ventes à Israël de l’ordre en moyenne de 20 millions d’euros par an.

Hormis les importations de matériel militaire, Israël s’est doté d’une importante industrie de défense, pour ses besoins nationaux mais aussi pour l’exportation. L’expertise de l’état hébreu dans l’industrie de défense est ancienne. On se souvient qu’en 1970, Israël avait notamment développé un chasseur bombardier, le Kfir, sur le modèle du Mirage 5 de Dassault, avant de lancer en 1980 l’avion de combat Lavi. Mais celui-ci ne dépassa pas le stade de prototype lorsque, à la fin de la décennie, les États-Unis craignant la concurrence de cet appareil firent capoter son développement pour pousser leurs F16 et F18.

Ces projets mort-nés montrent qu’Israël, qui brille dans les technologies de pointe, a acquis en matière d’armement un savoir-faire reconnu par la communauté internationale. Les ventes à l’étranger de matériels de défense ont même progressé de 13% en un an pour atteindre en 2024 près de 15 milliards de dollars, a indiqué Tel-Aviv début juin. La puissance militaire d’Israël qui, avec seulement dix millions d’habitants, parvient à faire face à plusieurs fronts simultanément, se double d’une composante nucléaire qui fait du pays la seule puissance atomique du Proche-Orient. Tel-Aviv, qui n’est pas signataire du TNP (traité de non-prolifération) a toujours entretenu le flou sur le sujet. Le Sipri estime toutefois que le pays pourrait posséder quelque 80 ogives nucléaires, d’autres estimations lui en attribuent jusqu’à trois cents.

Gilles Bridier