Pourquoi la Bourse reste calme

par Gilles Bridier |  publié le 17/12/2024

La dissolution de l’Assemblée et la dégradation de la note de la France par l’agence Moody’s ont affecté les marchés. Mais le versement d’énormes dividendes les a rassurés.

Trader dans une salle de marché. Photo illustration. (Photo Bodo Marks / DPA Picture-Alliance via AFP)

La Bourse est-elle hors sol? Barnier, viré. Et alors? Le 5 décembre, jour où l’ex-Premier ministre a remis sa démission au chef de l’Etat, le CAC 40, principal indice de la Bourse de Paris, s’est même offert une petite progression. Comme si le saut dans l’inconnu souligné par tous les observateurs politiques, ne concernait pas les entreprises cotées en bourse. Presque vexant, pour Michel Barnier ! Pourtant, ne dit-on pas que les marchés financiers détestent l’incertitude?

Précisément. La dégradation de la note souveraine de la France par l’agence de notation Moody’s, juste après la nomination à Matignon de Français Bayrou, a eu plus d’incidence sur le CAC 40, qui s’est légèrement replié.

En réalité, la dégringolade de l’indice remonte au 9 juin, à l’annonce de la dissolution de l’Assemblée nationale par Emmanuel Macron. Puis, après deux mois de glissement, les cours remontèrent… pour redescendre à leur plancher fin novembre, sous l‘effet des marchandages autour du projet de loi de finances 2025. Mais dès qu’il fut acquis que Michel Barnier n’échapperait pas à la censure, quelques jours avant que le couperet ne tombe, l’indice s’est légèrement redressé. Comme si la chute du gouvernement devenait un quasi non-évènement. « La censure était déjà dans les cours », résume un observateur. Mais l’incertitude demeure sur les options économiques qui seront définies par le gouvernement Bayrou en cours de constitution.

Record de dividendes

Les marchés financiers ne réagissent pas comme les partis politiques. Les entreprises qui composent le CAC 40 réalisent plus des trois quarts de leur chiffre d’affaires hors de France. Une crise politique qui débouche sur une crise économique crée forcément des tensions, mais les opérateurs s’intéressent tout autant à l’économie des pays où ces entreprises dégagent le plus de bénéfices. Car de ces résultats dépendront les dividendes.

Or, les acteurs du CAC 40 n’ont jamais aussi bien servi leurs actionnaires ! Après les 67 milliards d’euros de dividendes distribués au titre de l’exercice 2022, 73 milliards ont été versés cette année au titre des résultats 2023. Un record ! En plus, il convient d’ajouter les rachats d’actions, qui consistent à gratifier les actionnaires tout en poussant le cours de l’action : l’an dernier, ces rachats ont représenté 30 milliards d’euros, en sus des dividendes. Dans ces conditions, les marchés considèrent avec une certaine retenue les psychodrames qui agitent la vie politique en France… au moins aussi longtemps que la fiscalité sur les dividendes n’est pas relevée.

Pour autant, la Bourse n’est pas complètement hors sol. Certes, l’exposition des groupes cotés aux marchés étrangers l’immunise en partie contre les aléas de la seule économie française. Mais alors que l’indice Dow Jones américain a gagné 40% en un an, boosté par des gains de productivité outre-Atlantique, le CAC 40 est retombé au même niveau en décembre qu’un an plus tôt… alors qu’il gagnait 11% à la mi-mai. Le manque de visibilité et de performances de l’économie française a rendu les marchés frileux, ce que traduit la stagnation des cours sur douze mois. Et l’attente se porte maintenant sur les décisions qui seront prises par le futur gouvernement Bayrou. Dans l’expectative, la circonspection prévaut.

Gilles Bridier