Pourquoi pas la proportionnelle ?
S’il surmonte l’épreuve du Budget à la rentrée, François Bayrou envisage de faire adopter le scrutin proportionnel par l’actuel Parlement. À y réfléchir, l’expérience vaut d’être tentée.

Le Premier ministre estime qu’il trouvera une majorité pour ce faire : c’est fort possible. Après tout, l’instauration d’un scrutin proportionnel figure dans le programme du NFP (LFI, Vert, PCF et PS), et dans ceux du RN et des Démocrates. La somme de ces députés dépasse la majorité absolue à l’Assemblée. À moins de se renier, ces groupes parlementaires devraient voter la réforme Bayrou.
Mais ce qui est possible est-il souhaitable ? Examinons.
En reflétant exactement le vote populaire, la proportionnelle est plus juste : aucun parti ne peut s’estimer floué par le mode de scrutin. On dit que cette répartition équitable des élus tend à émietter la représentation parlementaire et donc à favoriser l’instabilité gouvernementale. C’est exact. Mais dans les deux dernières élections législatives, c’est le scrutin majoritaire qui a abouti à l’instabilité. Rien d’étonnant : dans un paysage politique divisé en trois blocs, il ne joue plus son rôle d’amplification des majorités. Comme cette tripartition a de bonnes chances de perdurer, il perd son principal atout.
Du coup, les avantages de la proportionnelle apparaissent plus nettement. Celle-ci diminue le risque de voir un parti extrême disposer d’une majorité à lui tout seul. Elle permet à chaque parti de concourir sous ses propres couleurs, sans être contraint à des alliances électorales douteuses. Le PS, par exemple, ne serait plus nécessairement incité à trouver des accords électoraux avec la France insoumise, ce qui l’obligera à élaborer un programme autonome sans être exposé à la surenchère mélenchonienne. Enfin libre… Aussi bien, la droite sera moins tentée de former une coalition électorale avec le RN, même si sa porosité idéologique le conduit à des dérives condamnables.
Mais en corollaire, chaque parti, à moins de remporter la majorité à lui tout seul, ce qui est improbable, sait qu’il ne pourra gouverner qu’en trouvant une coalition majoritaire à l’Assemblée. Il devra chercher des compromis programmatiques avec ses futurs partenaires, à l’instar de ce qui se passe dans la plupart des pays d’Europe. Ce est qui pratique courante partout dans l’Union européenne serait-il impossible en France ?
La monarchie républicaine, enfin, si souvent décriée, s’en trouvera fortement amendée. Élu au suffrage universel, le président gardera prestige et latitude. Mais il devra gouverner avec le Parlement, susciter des compromis, tenir compte des sensibilités qui ne seront pas les siennes. On a si souvent regretté la verticalité quelque peu autoritaire de la Vème République, qu’on serait bien incohérent de rejeter cette perspective de démocratisation. Il peut en sortir le désordre, certes. Mais aussi, une nouvelle culture politique, plus conforme à l’esprit du temps. Alors chiche ?