Pourquoi reconnaître l’état palestinien
Critiquable à certains égards, la décision du président Macron est la conséquence inéluctable de la politique de Benyamin Netanyahou. Les vrais défenseurs d’Israël doivent le comprendre.
Le mercredi 23 juillet dernier, le parlement d’Israël, la Knesset, a voté l’annexion de la Cisjordanie à 71 voix contre 16. Courageusement, l’opposition s’est abstenue sur cette question, symbolique à ce stade, mais qui commande l’avenir d’Israël et des Palestiniens. Le lendemain, dans une séquence qui explique la décision du président Macron, la France a choisi de reconnaître l’état de Palestine, provoquant une déflagration diplomatique et s’attirant les critiques acerbes d’Israël et des États-Unis.
Certaines critiques peuvent s’entendre : pourquoi prendre cette décision aujourd’hui ? La guerre n’est pas terminée, des otages sont encore retenus par le Hamas et la reconnaissance peut apparaître comme une « récompense » au 7 octobre. Seulement voilà : ces condamnations passent sous silence le comportement récent du gouvernement israélien.
Depuis le mois d’avril dernier, lorsque Macron avait posé des conditions à une éventuelle reconnaissance – libération des otages et désarmement du Hamas, la guerre s’est intensifiée sans but clairement établi. La population gazaouie a été déplacée à de multiples reprises par l’armée israélienne, qui veut très officiellement la concentrer sur moins de 25% du territoire de la bande de Gaza. L’aide humanitaire, enfin, est peu et mal distribuée par une organisation créée ad hoc et totalement inefficace.
Sur le terrain, des ministres parlent ouvertement d’expulser les Gazaouis de la bande de Gaza, d’en faire une terre juive ou de la « détruire complètement », et une conférence à la Knesset organisée par le ministre d’extrême-droite Smotrich avait pour objet l’occupation de Gaza et l’expulsion des Gazaouis. En parallèle, les violences contre les civils palestiniens de Cisjordanie se multiplient dans une impunité quasi-totale, jusqu’au vote de la Knesset sur son annexion, qui traduit les véritables intentions du gouvernement Netanyahou.
La reconnaissance française découle en fait du refus obstiné opposé par le gouvernement israélien à toute discussion sur le jour d’après la guerre de Gaza, à l’inverse de ce qu’avait demandé dès le début 2024 un authentique ami d’Israël, le président Biden, pour lequel cette absence de plan faisait le jeu des extrémistes israéliens et palestiniens. Pour Netanyahou et son gouvernement, l’attaque du 7 octobre n’est pas la calamité qu’elle a été pour les Israéliens. C’est une événement dont il faut tirer parti pour continuer les combats et éviter toute solution politique.
Netanyahou qualifie la reconnaissance française de « récompense offerte au Hamas ». Or le Hamas n’a jamais souhaité l’instauration d’un état palestinien dans le cadre d’une solution à deux états : il cherche ouvertement l’éradication de l’état d’Israël. Le présenter comme un partisan du plan présenté par la France, c’ est au mieux de la mauvaise foi, au pire un mensonge grossier.
Lâché sur ce point par l’Allemagne et la Grande-Bretagne, le président français Macron paie son inconstance, ses louvoiements et ses coups de menton, et il n’est sans doute pas le plus crédible sur ce dossier. Il aurait pu annoncer cette reconnaissance non pas par un simple communiqué, mais le faire dans un grand média israélien, en parlant directement au peuple israélien, pour lui montrer que cette reconnaissance n’était en aucun cas dirigée contre Israël et contrer au passage les arguments fallacieux utilisés par le gouvernement Netanyahou.
La réaction du Premier ministre israélien devrait dessiller les yeux de ceux qui critiquent cette reconnaissance unilatérale de la France tout en redisant leur attachement à l’établissement d’un état palestinien : Netanyahou ne critique pas seulement le moment. Il rejette l’idée même d’un état palestinien en affirmant que « Les Palestiniens ne veulent pas un état à côté d’Israel, mais un état à la place d’Israël ». A cet égard, le vote à la Knesset a dévoilé ses vraies intentions.
Le gouvernement israélien est accusé d’avoir causé la famine à Gaza. Si ces accusations sont incomplètes et passent trop souvent sous silence la responsabilité du Hamas, sont-elles totalement infondées ? Comment le gouvernement israélien et ses défenseurs peuvent-ils s’indigner de cette mise en accusation après avoir écarté (de manière justifiée) l’UNRWA sans prévoir de mécanisme de rechange, avant de recourir à une société privée sans expérience pour la distribution alimentaire dans une zone ravagée par la guerre ? Comment, surtout, ces accusations pourraient-elles ne pas voir le jour lorsque des membres éminents de la coalition gouvernementale ont menacé à de nombreuses reprises d’affamer la population Gazaouie ? Il arrive un moment ou l’inconséquence, l’extrémisme ou l’incompétence des gouvernants se paient au prix fort.
Les défenseurs de l’état d’Israël ne lui rendent pas service en niant l’évidence et en plaidant envers et contre tout pour une politique inacceptable. Défendre Israël, sa démocratie, sa place parmi les nations ne passe pas par la défense de ses gouvernants. Elle repose sur la solidarité avec les 80% d’Israéliens qui, à défaut de manifester de l’empathie envers la population gazaouie, demandent la fin de la guerre et le maintien de leur démocratie, deux objectifs qui forment un tout.



