Présidentielle : Marine Le Pen hors-jeu ?
Le prochain procès des assistants parlementaires fictifs du RN, qui met en cause Marine Le Pen, pourrait l’inciter à provoquer une présidentielle anticipée. D’autant que Jordan Bardella est désormais visé lui aussi.
Le temps joue contre elle. Menacée par une très sérieuse procédure judiciaire, Marine Le Pen a tout intérêt à accélérer les échéances si elle veut conserver le droit de se présenter à l’élection présidentielle. « Les pièces versées au dossier sont accablantes, explique un acteur-clé de l’accusation, mais avec les procédures d’appel et le temps judiciaire, les peines prononcées pourraient ne pas être définitives avant l’élection présidentielle de 2027 ».
C’est le président du Parlement européen, Martin Schulz, qui avait saisi la justice française et déclenché ainsi l’affaire des emplois fictifs des assistants parlementaires du RN. Au terme d’une longue enquête, le procès s’ouvre le 30 septembre prochain et placera 27 membres du RN, dont elle, sur le banc des accusés. L’affaire montre à quel point Marine Le Pen est engagée dans une course contre la montre pour éviter d’être frappée d’inéligibilité. Si elle parvenait à être élue avant toute condamnation ferme, elle bénéficierait de l’immunité dont peut se prévaloir un Président de la République.
Quels sont les faits reprochés au RN ? Pendant des années, en particulier de 2014 à 2019, le Rassemblement National aurait détourné les fonds alloués par le Parlement européen à ses députés pour rétribuer des collaborateurs qui, en réalité, travaillaient en France au service des campagnes électorales du Rassemblement National. Ce détournement de fonds aurait concerné 27 membres du RN, dont Marine Le Pen elle-même. Tous risquent jusqu’à dix ans d’emprisonnement, un million d’euros d’amende et cinq ans d’inéligibilité.
Nul doute qu’une condamnation définitive ruinerait la carrière politique de Marine Le Pen. Celle-ci n’évoque jamais publiquement cette éventualité et la balaie d’un revers de mains quand on lui pose la question. La présence de cette épée de Damoclès au-dessus d’elle peut néanmoins expliquer, pour partie, sa stratégie politique et en particulier le soin qu’elle met à promouvoir l’ascension de son poulain Jordan Bardella. Comme si elle avait besoin de se rassurer qu’un successeur puisse la remplacer au pied levé si elle devait être empêchée.
Encore faut-il que ce successeur soit exempt de tout reproche. Or le journal Libération a découvert un document versé au dossier signalant que Jordan Bardella aurait lui aussi occupé pendant quelques mois un emploi fictif d’assistant parlementaire pour une dizaine de milliers d’euros. Plus grave : il aurait ensuite dissimulé et falsifié des documents afin d’apporter de fausses preuves de son innocence.
Jusqu’à maintenant, le président du RN n’avait pas été retenu comme bénéficiaire d’un emploi fictif. Il nie ces accusations et avance, pour sa défense, qu’ils tombent à point nommé à quelques jours de l’ouverture du procès. Peut-être. Cela n’empêche qu’elles viennent alourdir un dossier déjà bien étayé. De source judiciaire, on indique qu’il sera difficile aux accusés du 30 septembre, y compris Marine Le Pen, d’échapper à des condamnations.
L’inéligibilité peut-elle être prononcée ? Jordan Bardella peut-il être inquiété ? Si ce n’est une certitude, c’est une probabilité qui pousserait Marine Le Pen et les membres du RN à gagner du temps en faisant appel. S’engagerait alors entre elle et la justice une course de vitesse décisive qui pourrait la conduire à vouloir provoquer, pour se protéger, une élection présidentielle anticipée.