Procès du RN : l’étrange défaite médiatique

par Boris Enet |  publié le 02/04/2025

Alors qu’une décision judiciaire vient d’être rendue pour sanctionner la délinquance nationaliste en cols blancs au détriment des contribuables européens, l’écrasante majorité des éditorialistes semble aussi troublée que M. Bayrou.

Au tribunal de Paris pour le verdict du procès des assistants parlementaires d'eurodéputés du RN, le 31 mars 2025. (Photo de Carine Schmitt / Hans Lucas via AFP)

Les chars russes sont loin. Les assaillants du Capitole aussi, et pourtant, ils sont nombreux à exprimer leur « gêne » de ne pas battre Marine Le Pen « à la loyale ». Sur LCI, le plateau de Darius Rochelin va même jusqu’à s’interroger sur les motifs d’annulation de la présidentielle en Roumanie. Trump revient presqu’en odeur de sainteté puisque le génie des Rocheuses fait un parallèle tellement lumineux entre ses déboires judiciaires et ceux de la confrérie Le Pen.

Ainsi donc, Steeve Bannon trouve toute une série d’avocats volontaires parmi les grandes chaînes françaises, sans même évoquer celles du groupe Bolloré, pour étayer la thèse d’un « pouvoir judiciaire de gauche » qui brimerait la volonté populaire. Effroyable cauchemar relayé sur les ondes radiophoniques et anciennement hertziennes, sans que personne n’y trouve rien à redire. La palme de la dignité revenait ce mardi soir à Lionel Jospin, figure morale de la gauche de gouvernement, décidément d’une autre époque, s’interdisant de commenter les décisions judiciaires, tombé dans un traquenard et contraint de commenter…la francisque de Mitterrand.

Cette sérénade médiatique est d’autant plus consternante que les sondages effectués indiquent que les français dans leur grande majorité ne contestent ni la décision judiciaire, ni même l’application de la peine telle qu’elle a été rendue. Les citoyens ne sont pas dupes, à la différence d’une sphère médiatique audiovisuelle, curieusement homogène.

L’on cherche donc politiquement, celles et ceux qui, au sein de l’hémicycle, tiennent une position de principe. À gauche, le PCF et les Verts, maladroitement, ne remettent nullement en cause la séparation des pouvoirs et défendent la probité de la juge, désormais sous protection policière. Le Parti Socialiste et la famille sociale-démocrate conservent une posture claire sur la question, sans ambigüité, à l’unisson de Gabriel Attal et son groupe à l’assemblée. Pour le reste, la sacro-sainte onction populaire autoriserait pour un peu à présenter des délinquants que ce ne serait que justice. D’ailleurs, n’entend-on pas depuis ces plateaux et milieux autorisés que la moralisation de la vie politique a été décidément trop brutale, un poil robespierriste, allant jusqu’à décourager celles et ceux qui préféraient l’époque des valises de billets pour le financement de leurs succursales ?

Une authentique folie pavée de bons sentiments dévoyés au nom de la défense de millions d’électeurs lepénistes considérés comme perdus pour la République au lieu d’aller les chercher à cette occasion pour leur démontrer que le trumpisme français utilise les méthodes des populistes du monde entier, de Bolsonaro à Trump, d’Orban à Salvini.

Et puis, accessoirement, il y a l’Europe. Alors que les conversations médiatiques ne cessaient de croiser le fer sur le rythme de la défense européenne, sa réalité d’avancement, son financement, les mêmes ne trouvent absolument rien à redire qu’une formation europhobe organisée en véritable internationale de la démolition continentale, aille taper dans ses caisses après s’être présentée au suffrage universel pour Strasbourg.

Que faut-il retenir de cette séquence médiatique ? Elle illustre la vitesse avec laquelle les girouettes tournent avec le vent. Un premier aperçu avait été donné lorsque le Néron des Amériques, alors postulant, considéré idiot, vulgaire et dangereux, s’était imposé. Le lendemain de la nuit américaine, ceux-là même qui l’avaient dénoncé, lui trouvait un charisme et une vérité scénique indubitable.

Une chose est certaine. Lorsque la majorité des éditorialistes et invités médiatiques en viennent à devancer les éléments de langage de l’extrême-droite dans sa contre-offensive, l’étrange défaite prend forme. Elle prépare les esprits et salit les principes au nom de l’air du temps. Elle rompt aussi avec une certaine tradition de la presse hexagonale, principalement écrite.

Boris Enet