Proportionnelle ? C’est le moment ou jamais !
Le scrutin majoritaire a désormais le grave défaut de ne pas produire… de majorité. L’heure est venue de favoriser la culture du compromis qu’on appelle de toutes parts.
Veut-on vraiment changer la vie politique ? Souhaite-t-on sincèrement prolonger dans la vie publique le climat d’entente et d’unité qui a tant plu aux Français pendant ces Jeux Olympiques de rêve ? Il est un moyen tout simple qui pourrait y contribuer grandement : l’instauration du scrutin proportionnel aux élections législatives.
Jusqu’à maintenant aucune majorité de s’y est résolue, alors même que plusieurs partis l’ont depuis longtemps inscrit à leur programme. À cela une raison légitime : on craignait, en morcelant par ce bais la représentation nationale, de rendre le Parlement – et donc le pays – ingouvernable. Et une raison plus triviale : les majorités successives étaient issues du scrutin majoritaire. Pourquoi, se disaient-elles in petto, changer une règle qui leur avait si bien profité ?
Seulement voilà : ledit scrutin majoritaire échoue désormais à produire… des majorités. La partition du spectre politique en trois blocs, provoquée par l’irruption d’un « bloc central », rend très difficile l’émergence d’une majorité absolue. Dans les deux derniers scrutins, en 2022 et en 2024, aucune coalition n’a réussi à conquérir un socle parlementaire qui lui permette de gouverner seule. Dès lors l’argument tombe : la France est condamnée à un régime de majorités relatives, qui oblige les forces en présence à des compromis.
Dans ce cas, le système proportionnel, plus juste, plus fidèle à l’expression du suffrage populaire, devrait s’imposer de lui-même. Le pays y trouverait plusieurs avantages. À gauche, la réforme mettrait fin au chantage électoral pratiqué en permanence par la France insoumise sur ses partenaires. Pour figurer aujourd’hui au second tour, les candidats socialistes, écologistes et communistes doivent se soumettre au carcan des candidatures uniques, faute de quoi LFI menace de présenter des candidats partout et d’empêcher ainsi ses partenaires de conserver leurs sièges ou d’en gagner, tuant dans l’œuf toute idée de majorité de gauche.
Alors même que les désaccords sont patents, les chefs socialistes intimidés renoncent à les exposer clairement, tenant aux électeurs un discours contraint et mensonger. C’est ainsi qu’il a fallu attendre près d’un mois avant que Lucie Castets, postulante commune à Matignon, admette enfin que le mot d’ordre lancé par Jean-Luc Mélenchon au soir du vote – tout le programme, rien que le programme – était une simple tartarinade. Enfin lucide, la jeune femme a reconnu officiellement que beaucoup des objectifs négociés avec LFI étaient « des horizons » et non des mesures immédiates. Elle plaide désormais pour des compromis avec des forces extérieurs au Nouveau Front Populaire, s’attirant aussitôt les foudres des députés insoumis. La France a besoin d’une social-démocratie autonome et libre : la logique de fer du scrutin majoritaire dans une vie politique à trois blocs l’empêche d’émerger.
À droite aussi, un danger majeur serait écarté, celui qui a tant inquiété la majorité de l’opinion en juin dernier, laquelle a choisi le « Front républicain » pour l’écarter : la victoire complète du RN au second tour, qui l’aurait mis en position de gouverner seul le pays pour mettre en oeuvre son programme xénophobe et anti-européen. Le scrutin proportionnel maintiendrait le RN à sa juste place à l’Assemblée, soit un tiers des députés, qui représenteraient un tiers des électeurs, dans une juste homothétie.
La proportionnelle, enfin, changerait la culture politique du pays. Sachant qu’aucun bloc ne pourrait à l’avenir détenir tous les pouvoirs, sauf à rallier à lui plus de 50% des électeurs, chose peu probable, les partis devraient adapter leur stratégie à cette perspective quasi certaine, c’est-à-dire adopter enfin sans ambages la méthode du compromis en vigueur dans la plupart des nations européennes. On espère, dans la plupart des courants politiques, mettre fin à cette « monarchie républicaine » qui donne au peuple le sentiment d’être tenu en lisière des décisions. C’est le moment où jamais : une loi simple y suffit, qui peut ouvrir la voie du renouveau. Toute candidate ou tout candidat à Matignon, s’il est réaliste et cohérent avec lui-même, doit le placer en tête de son programme de gouvernement.