Proportionnelle : pas si simple…
François Bayrou propose la réforme du mode de scrutin. Certes, elle pourrait aider les socialistes à se libérer de la pression des Insoumis. Mais elle a aussi ses effets pervers.
A priori, la représentation proportionnelle a tout pour plaire : c’est un mode de scrutin juste, qui accorde à chaque parti un nombre d’élus qui correspond à son poids réel ; il permet aussi, théoriquement, à chaque courant de s’affirmer de manière autonome, sans passer par des alliances regrettables. Traduction dans le cas du PS : il aurait le nombre de députés qu’il mérite, sans rien craindre de LFI.
Mais l’affaire est plus complexe qu’il y paraît. Tout dépend, en effet, du type de proportionnelle choisie : il y en a cinquante nuances… La formule classique, c’est celle de la dernière expérience vécue pour des législatives, en 1986 : une proportionnelle intégrale au niveau départemental. Certes, elle limite les effets déformants du scrutin majoritaire. Mais elle n’autonomise pas automatiquement les partis : dans les départements comptant peu de députés, l’union à gauche sera la seule manière d’avoir des élus. Et si on fait alliance dans certaines zones, difficile de ne pas la faire ailleurs…
On peut aussi choisir des circonscriptions plus larges, la région par exemple. Mais cela éloigne beaucoup les élus de leurs électeurs, en donnant aux partis le monopole de la sélection des candidats. François Bayrou semble l’exclure, puisqu’il a parlé d’un « mode de scrutin ancré dans les territoires ». Il a aussi précisé que ne devaient pas « se créer plusieurs catégories de citoyens avec des droits différents ». Contrairement à ce qui existe au Sénat, où cohabitent RP et scrutin majoritaire, selon le nombre de sénateurs à élire.
Un autre effet pervers de la RP complique la donne. Impossible, dans ce cadre, d’organiser un front républicain pour éviter l’arrivée au pouvoir du Rassemblement national. Avec le scrutin majoritaire actuel, au premier tour on choisit, on second on élimine. De nombreux députés – de gauche comme de droite – ont été élus en 2024 grâce à ce réflexe salutaire. Avec la proportionnelle, le RN aurait sans doute davantage d’élus qu’aujourd’hui. Même si la victoire ne lui est pas assurée.
Sachant cela, l’extrême-droite plaide pour une RP avec prime majoritaire. Un peu comme pour les municipales, où la liste arrivée en tête rafle une gratification de 50% de sièges supplémentaires, ce qui assure une majorité en béton au maire désigné. Le système est difficilement transposable à des législatives. Mais des cerveaux fertiles vont tenter de trouver une solution qui cumule les avantages des deux modes de scrutin, proportionnel et majoritaire. Cela ne tournerait pas forcément à l’avantage du PS …
Les partisans de l’introduction de la RP, quelle que soit sa forme, avancent un argument fort : puisqu’on a déjà aujourd’hui les inconvénients de ce mode de scrutin, – l’éclatement des forces à l’Assemblée et l’ingouvernabilité – autant en avoir les avantages, la justice et une certaine autonomisation des partis. Mais avant de quitter le scrutin uninominal majoritaire, il faudra bien vérifier à qui cela profite le plus. Et tenter de trouver une formule qui ne se retourne pas contre ses auteurs et permette de dégager une majorité pour gouverner dans la durée.