PS : ce que le Congrès n’a pas tranché
En principe, tout est clair. En fait, les socialistes restent englués dans une discussion sur les alliances qui l’empêche d’être lui-même.
Officiellement, tout va mieux : le Parti socialiste va se doter d’un projet, rénover ses moyens d’action et préparer les prochaines échéances, décidé à restaurer son identité et débarrassé – dixit Olivier Faure – de « l’obsession Mélenchon ». On veut le croire, tant la gauche a besoin d’une force réformiste prête à gouverner. Et après tout, si ce programme est respecté, on ne peut que s’en féliciter.
Pourtant on sent bien, derrière ces bonnes intentions, que rien n’est réglé. Olivier Faure ayant refusé d’écrire noir sur blanc qu’il n’y aurait plus d’accord avec LFI, les rapports avec la secte mélenchonienne restent ambigus : rupture verbale mais possibilité de rabibochage. Le premier secrétaire réélu se plaint de voir cette question occuper trop de place. Mais s’il y a bien une « obsession Mélenchon », c’est que le comportement de LFI a quelque chose d’obsédant. Jérôme Guedj a mis les pieds dans le plat d’une formule brutale : Mélenchon est devenu « un salopard antisémite ». On peut regretter la violence de son propos, mais on ne peut non plus oublier que Mélenchon l’a traité de « lâche » et de « délateur » et qu’il l’a accusé de « s’agiter autour du piquet où le retient la laisse de ses adhésions », phrase indirecte où l’intéressé a vu, à juste titre, une connotation essentialiste et antisémite. LFI exige des excuses au PS. Mais Mélenchon s’est-il excusé de ses louches philippiques ? L’idée ne l’a même pas effleuré.
Comment envisager un quelconque accord tant que cette formation n’aura pas répudié hautement cette complaisance aux fétides arrière-pensées électorales ? En raison des mêmes ambiguïtés, le Parti travailliste britannique de Jeremy Corbyn est resté de longues années en marge de la vie politique. Mélenchon n’en a cure. Il poursuit sa défense atrabilaire des « vérités alternatives » qui lui servent de credo. Dernière en date : comparer sérieusement le retour de Rima Hassan à celui de Victor Hugo ! Il est vrai que le poète revenait d’un exil de 19 ans et la députée d’un séjour de 19 heures. Tout concorde…
Ces palinodies traduisent une réalité plus profonde : la direction du PS, une nouvelle fois, vit sous la férule intellectuelle et culpabilisante de la gauche radicale. Tel est le problème central. Elle prône une alliance avec les Verts, le PCF et les exclus de LFI. Certes, mais sur quelle base ? La seule qui existe, aujourd’hui, c’est le programme du Nouveau Front Populaire, que les futurs partenaires des socialistes ne manqueront pas de vouloir imposer.
Léger problème : chacun sait que ce programme ne tient pas debout. Il ignore superbement les changements essentiels qui affectent le pays. Le temps n’est plus d’ajouter les dépenses aux dépenses en se contentant de dire que les riches paieront l’addition. Certes ceux-ci doivent être mis à contribution. Mais l’essentiel n’est pas là. Les choses étant ce qu’elles sont, il faut surtout un programme de redressement de la nation dans la justice sociale. Redressement industriel : la France accuse dans ce domaine un retard alarmant. Il y faut – horresco referens – une politique socialiste de l’offre qui combine renforcement des entreprises et redistribution.
Redressement financier : l’économie française est minée par les déficits, elle a. besoin d’un plan raisonné de rétablissement des comptes pour éviter de se retrouver un jour sous la férule austéritaire du FMI ou sous celle des marchés. Redressement social : l’État-providence, précieux héritage, croule sous les dépenses sans pour autant satisfaire les Français. Une seule question, au hasard : au moment où les syndicats réformistes envisagent d’accepter un âge pivot à 64 ans pour tenter d’équilibrer le système de retraites, est-il sérieux de conserver l’objectif d’un retour à la retraite à 60 ans ?
Le PS est désormais adepte de la « social-écologie ». Fort bien. Mais quid du nucléaire ? Le futur et indispensable mix énergétique reposera aussi, qu’on le veuille ou non, sur le développement de cette énergie décarbonée. Courageusement, le programme du NFP n’en souffle mot, sans doute pour ne pas froisser les Verts. Voilà un point aveugle qu’il faudra bien éclaircir.
On pourrait continuer longtemps. La vérité, c’est que le PS, obnubilé par ses alliances et intimidé par la rhétorique radicale, a négligé de mettre à jour sa doctrine. C’est l’urgence de l’heure : être soi-même avant de négocier avec les autres. Cette question centrale est pour l’instant sans réponse, même si le congrès de Nancy a admis qu’il fallait s’y atteler. Tout le reste est byzantinisme tactique.