Quand la Chine se rendort…

par Malik Henni |  publié le 16/03/2025

Après trente années de succès fulgurants, l’économie chinoise est menacée par la récession et la déflation, faute d’une consommation suffisante. Le Parti communiste cherche à réveiller le capitalisme.

Le président chinois Xi Jinping, le premier ministre Li Qiang, lors de la clôture de la troisième session de la 14e Assemblée populaire nationale (APN) au Grand Palais du Peuple le 11 mars 2025 à Pékin. (Photo de LINTAO ZHANG / Getty Images via AFP)

Alors que le reste du monde a les yeux rivés sur l’Europe de l’Est et le Moyen-Orient, la Chine se concentre sur ses problématiques internes. Le modèle économique du pays, fondé sur les exportations et la compression de la demande interne, peine à se réformer, alors que les incertitudes suscitées par les droits de douanes américains ne sont pas encore dissipées.

La grande messe annuelle du Parti communiste chinois s’est terminée après sept heures de débats qui n’en n’étaient pas et de conclusions écrites d’avance. L’absence totale de couverture médiatique en France et en Europe est inversement proportionnelle à son importance. Les 3000 délégués ont insisté sur la nécessité de régler un problème vital pour la légitimité du parti : le ralentissement de la croissance. A mesure que l’on s’éloigne de la victoire contre les Japonais puis les nationalistes en 1949, la nécessité de fonder la légitimité du Parti-Etat sur un socle de prospérité et d’abondance se renforce dramatiquement. Or, la crise du secteur immobilier depuis 2021, le taux d’épargne qui crève le plafond à cause de l’absence de protection sociale digne de ce nom et les attaques de Donald Trump fragilisent la confiance en l’avenir des Chinois.

La déflation n’est plus un risque, mais une réalité. Les prix à la consommation ont baissé de 0,7% sur un an pour le deuxième mois consécutif. Or, les plans de relance et d’investissement ne sont pas efficaces pour inciter les ménages à consommer parce qu’ils pensent que les prix seront inférieurs demain. Cela revient à pousser sur une ficelle. Restaurer la confiance des agents économiques est primordiale mais le contexte d’incertitude emporte tout.

L’économie chinoise a un problème de taille des entreprises : les très nombreuses subventions de l’Etat ont encouragé la prolifération de start-ups, par exemple dans l’énergie verte, provoquant un faible taux de marge. La surproduction freine la compétitivité. Le PCC veut régler ce problème de « neijuan », traduit par « régression » de la taille des entreprises. Mais dans le même temps, Xi Jinping a tendu la main aux entrepreneurs, en promettant d’abaisser les normes et en leur offrant de plus grandes facilitées d’accès au crédit. Mais pour quelle demande ? L’économie chinoise repose à 40% sur la consommation, contre 55% dans les pays aussi développés. Le spectre de la récession en Europe et la fermeture du marché américain offre peu de débouchés aux exportations chinoises, dont le prix entre en concurrence avec les produits indiens ou vietnamiens. Maintenir la croissance à 5% cette année ne sera pas simple.

Seule satisfaction notable à ce congrès : Deepseek, l’outil d’IA générative qui veut bousculer le marché dominé par OpenAI. Il y a deux semaines, le Président chinois avait rencontré l’ensemble des leaders de la tech dans un rendez-vous très médiatisé. Son utilisation pour améliorer la gouvernance et les politiques publiques a été chaudement encouragé. L’économie, cette science de l’allocation optimale des ressources, pourrait se retrouver chamboulée par des décisions accompagnées ou mises en œuvre par un outil d’intelligence artificielle. Le socialisme à la chinoise, ce sont les soviets plus l’IA.

Malik Henni