Quand LFI fait plus peur que le RN
L’enquête d’opinion publiée par Libération met en lumière l’effet délétère de la stratégie suivie par Jean-Luc Mélenchon
Sondage Viavoice calamiteux pour la gauche dans Libération : interrogée sur les deux partis antisystème, le Rassemblement national et la France insoumise, l’opinion juge le premier nettement plus crédible et rassurant que la seconde. Et comme LFI domine la gauche, celle-ci plonge aussi…
Pour être juste, l’enquête est plus large et analyse de manière précise et éloquente le processus de « banalisation » qui favorise implacablement l’extrême-droite. Banalisation indiscutable : Nicolas Sarkozy intègre sans sourciller le RN dans l’arc républicain ; les médias Bolloré interdisent qu’on parle chez eux de « l’extrême-droite » et remplacent d’autorité le terme par celui de « droite conservatrice » nettement plus banal, effectivement ; Ciotti joue au Dupont de service en répétant sans cesse « et je dirais même plus » pour reprendre platement les thèses du RN.
Ces résultats ne surprendront pas les lecteurs du médias LeJournal.info. Nous avons publié au début de l’été une autre enquête Viavoice qui révélait les progrès angoissants réalisés par le RN en matière de crédibilité. On pouvait y lire que Marine Le Pen se retrouvait à la deuxième place dans le classement des partis « les plus compétents », derrière Édouard Philippe, avec 33% d’opinions favorables sur ce critère. Et là aussi, déjà, le parti d’extrême-droite laissait loin derrière lui la France insoumise, à 18%, avec 52% des sondés la déclarant « pas du tout compétente ».
Ce qui nous ramène au duel des deux formations antisystèmes. Comment ne pas relier ce résultat désastreux à la stratégie symétriquement opposée des deux protagonistes ? Depuis un an, LFI fait assaut d’agressivité, de transgression et de mauvaise foi dans le débat, conformément à sa théorie funeste de la nécessaire confrontation entre deux camps politiques ennemis. Cette théorie est inspirée par les idées de la philosophe Chantal Mouffe, elle-même influencée par le philosophe du droit allemand Carl Schmitt, dont le principal fait de gloire est d’avoir été l’un des intellectuels justifiant la politique nazie.
A l’opposé, Marine Le Pen a mis en œuvre la tactique de Raminagrobis, le « bon apôtre » de La Fontaine, qui cache ses griffes en affectant un maintien doucereux et modeste. La tonitruance de LFI lui permet d’occuper dans cesse la scène médiatique, de sculpter son image d’opposante intransigeante, et d’éclipser ses concurrents de gauche en criant plus fort que tout le monde. Ce faisant, Mélenchon rend un éminent service au RN, qui peut se présenter, par comparaison, comme un parti modéré et de bon sens, sans rien renier de son programme étranger aux valeurs de la République. Mais il arrive un moment où les erreurs se paient : le sondage Libé montre bien que le parti mélenchoniste, force dominante de la gauche, inquiète l’électorat, perd son crédit et tire son camp vers le bas.
Les vociférations de LFI couvrent la voix de la gauche réformiste : il est temps qu’elle s’en rende compte et reconstitue sans complexes son audience dans l’opinion.