Quand l’Occident se réveillera, le Dragon crachera du feu
Il y a quelques jours, le forum de Boao, le Davos asiatique, se réunissait au Sud de la Chine. Plus de 60 pays et près de 2000 participants, mais aucun représentant des autorités américaines et un silence indifférent de la presse occidentale. Et pourtant…

Je prends le pari que la partie de poker engagée par le président des Etats-unis à l’égard de la Chine se terminera par une victoire finale de cette dernière.
Face à l’agitation agressive du nouveau Président américain et ses hausses de tarifs inconsidérées, ce colloque impressionnant donnait de la Chine, par contraste, l’image d’une dictature, certes, mais déterminée et appliquant une stratégie réfléchie.
Soyons lucides : les foucades de Trump serviront à terme l’empire du milieu. Sur le plan diplomatique, l’imprévisibilité américaine va renforcer son influence sur le Sud global, surtout après la suppression brutale de l’US Aid. La convoitise des États-Unis sur le Canada et le Groenland lui donne l’alibi qu’elle attendait pour menacer Taïwan le jour où elle le décidera.
Quand la Chine voit l’Occident lui laisser s’emparer de Hong Kong et l’Amérique abandonner l’Ukraine en rase campagne, pourquoi craindrait-elle une réaction américaine dans le détroit de Formose ? Sur le plan militaire, l’agressivité américaine justifie à la manière de Thucydide un réarmement spectaculaire : plus 10% de dépenses militaires chaque année.
Sur le plan industriel, l’abandon des investissements en énergie renouvelable ouvre un espace à la production d’équipements chinois dans le secteur. Sur le plan commercial enfin, elle étend sa zone d’influence : or la Chine est déjà le premier partenaire commercial de 140 pays dans le monde.
Quand l’Occident va de crise en crise, la Chine avance ses pions et offre une image de constante montée en puissance. Il faut écouter le Ministre chinois des affaires étrangères affirmant à la tribune de Boao : « La Chine a pour vocation de stabiliser un monde incertain ». Ben voyons…
Comme l’a rappelé récemment le patron de la BPI, la Chine est plus que jamais l’usine du monde : l’industrie représente 40% de son PIB (pour rappel, il s’agit de 10% du PIB en France). Les Chinois sont en train de construire 55 usines géantes de semi-conducteurs quand on en compte quatre seulement en Europe.
L’offensive porte sur tous les secteurs du futur avec des produits 30 à 40% moins chers que les européens. La Chine vient d’ailleurs de relancer les discussions pour établir un vaste accord de libre-échange avec la Corée du Sud et le Japon, un ensemble représentant un quart de l’économie mondiale et 20% du commerce international !
Longtemps les occidentaux ont cru que la Chine copiait sans innover. Ce temps n’est plus. Des générations d’entrepreneurs individuels créent des entreprises technologiques à dimensions mondiale dans les domaines les plus avancés : robotique, biotech, aéronautique, renouvelable, ordinateurs quantiques, spatial, etc. Avec un atout majeur : le contrôle de 70% des terres rares de la planète !
En se moquant des critères éthiques, la Chine se propulse au premier rang des technologies du futur en matière de numérique. La Chine est devenue un paradis pour la gestion des datas et l’entrainement des modèles IA : dans ce pays aucune donnée n’est considérée comme personnelle. Au dumping social s’ajoute un dumping éthique extrêmement dangereux.
Enfin n’oublions pas que la Chine dispose en matière monétaire d’une arme de destruction massive. Elle détient dans ses réserves 1000 milliards de dollars! Imaginons la tempête qu’elle pourrait déclencher sur les marchés financiers si la Chine décidait de vendre tout ou partie de ces dollars !
Là encore, l’Occident s’est trompé : il a cru qu’un régime de contrôle politique très sévère étoufferait l’innovation. La Chine, pour le moment, démontre le contraire. Pour se consoler, nos économistes soulignent que la croissance chinoise s’essouffle (5% quand même) et que l’immobilier traverse une crise. Certes, mais la caravane passe, et une dictature ne s’embarrasse pas de contingences électorales .
Car bien sûr tout cela se paie en termes de liberté : la Chine ignore scandaleusement les droits de l’homme et Georges Orwell aurait rêvé du système totalitaire de « crédit social » qui écrase toute velléité de résistance. Mais là encore, nous aurions tort de nous leurrer. Les Chinois, dans leur grande masse, sont passifs et prêts à supporter encore bien des contraintes pour accéder à la prospérité. Quel autre pays au monde a eu le courage de règlementer l’accès des adolescents aux écrans pour protéger leur potentiel de concentration et l’efficacité de l’enseignement ?
Quand l’Occident se réveillera, il sera peut-être trop tard : le Dragon crachera du feu.