Netanyahou poursuivi : que peut la CPI ?

par Pierre Benoit |  publié le 22/11/2024

Avec trois nouveaux mandats d’arrêt, la Cour Pénale Internationale enclenche un retour vers le droit international.

Devant la Cour Pénale Internationale, à La Haye, le 21 novembre 2024 (Photo de Laurens van Putten / ANP / AFP)

En suivant les réquisitions de son Procureur général Karim Khan, la CPI vient de donner une première chance au droit international et à la justice d’entrer en scène après plus d’un an d’une guerre sans merci dans la bande de Gaza. 

Les trois mandats d’arrêt qui viennent d’être lancés contre le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou, son ancien ministre de la défense Yoav Gallant, et le chef militaire du Hamas Mohamed Deïf sans que l’on sache d’ailleurs si ce dernier est encore vivant à ce jour, marqueront un tournant.

Ces mandats avaient été lancés au printemps dernier par le Procureur Khan, et depuis lors, le gouvernement israélien avait tenté plusieurs manœuvres de paralysie pour ralentir la mise en route de ces procédures, soit par la pression, soit par le jeu des relations amicales traditionnelles.

Ainsi le ministère israélien des affaires étrangères avait retiré le statut diplomatique au personnel norvégien auprès de l’Autorité palestinienne, cela quelques jours après la reconnaissance par Oslo de la Palestine comme un Etat indépendant. En sens inverse la Grande Bretagne était intervenue en affirmant que les « accords d’Oslo » (signés en 1993) ne permettaient en aucun cas aux Palestiniens de demander à la cour de lancer des enquêtes sur les crimes commis par des Israéliens. Il s’agissait de rendre impossible « en droit » toute intervention juridique contre Jérusalem. 

Cette étape est désormais dépassée. En apprenant jeudi le lancement des poursuites par la CPI, Benjamin Netanyahou s’est mis dans une de ses colères dont il a le secret en parlant d’un geste antisémite. Il a surtout rappelé l’affaire Dreyfus, pour fixer l’idée du mensonge d’espionnage dont l’officier français avait été victime à la fin du XIXème siècle, avant d’être innocenté.

Le Premier ministre israélien ne pourra se rendre dans aucun des 124 pays reconnaissant la CPI sans prendre le risque d’une arrestation. La CPI n’ayant pas de police, elle compte sur les pays signataires pour procéder à une interpellation. Par le passé, cela n’a pas toujours été le cas : même déchu de son pouvoir, l’ancien dictateur soudanais Omar El-Béchir est resté emprisonné au Soudan. Aujourd’hui cependant, le jeu des pressions internationales a beaucoup changé. Ainsi, Vladimir Poutine n’a pas pris le risque de se rendre cette semaine à Rio pour participer au Sommet du G20.

Les Etats-Unis ne reconnaissent pas cette cour. Washington est d’ailleurs la seule destination qui vaut le voyage aux yeux de Netanyahou. Joe Biden a condamné sèchement l’annonce des poursuites et l’équipe Trump s’apprête à le recevoir pour lui manifester un soutien sans faille. 

La Russie et l’Ukraine d’un côté, Israël et la Palestine de l’autre : pour les Etats-Unis, une fois encore, la logique du « deux poids deux mesures » prévaut dans le conflit du Proche Orient. L’émission des mandats va sans doute accroître la pression des pays dit du « sud global » qui considèrent que la situation à Gaza s’inscrit dans une logique de crime de guerre et de crime contre l’humanité.

Pierre Benoit