Italie : Mattarella, le rempart 

par Marcelle Padovani |  publié le 11/04/2025

Fort de ses avantages institutionnels et de la traditionnelle popularité des présidents italiens, Sergio Mattarella apparaît aujourd’hui comme le seul obstacle contre les tentations pro Trump de son pays.

La Première ministre italienne, Giorgia Meloni serre la main du président italien Sergio Mattarella à leur arrivée au monument de l'Altare della Patria pour la commémoration de la Journée de l'unité nationale (Anniversario dell'Unità d'Italia), à Rome, le 17 mars 2025. (Photo de Filippo Monteforte / AFP)

Cheveux blancs ondulés et costumes impeccables, Sergio Mattarella arbore le sourire sobre de sa fonction. Le locataire du Quirinal, l’Élysée italien, douzième président de la République, jouit en moyenne depuis dix ans de 70% d’opinions favorables. Parce qu’il se contente d’« inaugurer les chrysanthèmes », comme diront certains ? Ou bien plutôt parce qu’il  fait triompher en politique étrangère un  « européisme flamboyant », répondront les autres ? 

Quoi qu’il en soit, à l’Université d’Aix-Marseille, le 5 février, tout en recevant son doctorat honoris causa, le président a soutenu que « l’Europe ne peut être le vassal de personne »  et qu’« on ne peut adhérer à une paix qui signerait par décret que c’est toujours le plus fort qui gagne». 

L’Italie y a nécessairement vu une double mise en garde de la part de son président, d’un côté à la tentation pro Trump du gouvernement italien, et de l’autre aux prétentions russes sur l’Ukraine. Deuxième sortie, à la veille du Conseil européen du 19 mars : Mattarella déplore les « dommages causés par une réponse européenne insuffisante ». 

Pourtant, son vrai chef d’œuvre remonte au 27 mai  2018, lorsque le candidat Premier ministre Giuseppe Conte, venu lui présenter les membres de son futur gouvernement, doit encaisser un veto à la nomination comme ministre de l’Economie de Paolo Savona, connu pour ses positions anti-euro (il avait  réclamé la sortie de l’Italie de la monnaie unique). Il s’ensuivra une démission du candidat Premier ministre et la formation d’un nouvel exécutif .

Toute l’histoire de Sergio Mattarella le préparait à ce rôle d’arbitre engagé. Sicilien catholique, membre de l’aile gauche de la Démocratie chrétienne, juriste de profession, il coche toutes les cases pour entrer en politique. 

L’assassinat de son frère par la mafia en 1980 et le fait qu’il ira le tirer lui-même de sa voiture criblée de balles à Palerme, lui donnera une ultime touche de crédibilité et de popularité. Il devient président de la Cour Constitutionnelle, puis finalement, en Janvier 2015, président de la République. 

Comme ses illustres prédécesseurs, Sandro Pertini, Carlo Azeglio Ciampi ou Giorgio Napolitano, il sera « l’arbitre engagé » prévu par la Constitution de 1946. Muni du pouvoir de choisir le président du Conseil après consultation des partis, de donner ou non son aval aux ministres pressentis, d’avoir la possibilité d’initiatives autonomes en politique étrangère et de présider le Conseil supérieur de la magistrature.

Avec son régime parlementaire particulier, la situation italienne est des plus étonnantes : un président, non élu au suffrage universel, mais doté d’un tel pouvoir politique qu’il exerce son mandat d’une manière peut-être plus efficace que dans un régime présidentiel ordinaire. 

Marcelle Padovani

Correspondante à Rome