Réseaux sociaux : Hitler 2.0
Les références à Hitler et au nazisme reprennent de plus belle, aussi bien en France qu’aux États-Unis. Étonnant, sur un continent marqué au fer rouge par les ravages du IIIᵉ Reich et dans une Amérique qui a envoyé ses boys mourir sur nos plages.

Ce phénomène coincide avec le retour de Trump, qui bouscule toutes les certitudes et souffle un vent nouveau. Elon Musk et Steve Bannon peuvent en témoigner : les discours d’Hitler circulent, et les citations des dirigeants nazis deviennent fréquentes sur les réseaux sociaux. Parmi les faits divers récents, on a vu à Paris une plaque en mémoire d’un docteur juif vandalisée par l’inscription « Hitler = GOAT » (greatest of all time – le meilleur de tous les temps).
Cette atmosphère donne un second souffle à une obsession maladive bien connue des antisémites : le Juif redevenant la figure centrale du débat politique et social, celui par lequel on prétend expliquer tous les mystères et déconvenues du monde.
Depuis la crise du Covid, les fantasmes complotistes ont proliféré : les Juifs auraient fabriqué et propagé le virus, tenté de confiner le monde pour mieux le dominer avec un « gouvernement mondial ». Avec l’arrivée des vaccins, ces délires se sont encore amplifiés. On a vu ressurgir un champ lexical moyenâgeux, accusant les Juifs d’empoisonner les puits et de sacrifier des enfants.
Ces mythes sont aussi vieux que l’antisémitisme lui-même, et bien que leurs formes évoluent, ils reposent toujours sur la même logique : les Juifs seraient des « serviteurs » de la « Synagogue de Satan », conspirant contre les nations chrétiennes. Dès le Moyen Âge, ils étaient diabolisés comme sorciers, usuriers, nécromanciens, ou accusés de meurtres rituels d’enfants. Aujourd’hui, ces mêmes motifs réapparaissent à travers des théories du complot associant les Juifs aux Illuminati, au Nouvel Ordre Mondial ou à la franc-maçonnerie. On les accuse d’adorer Baal ou Moloch, et sur les réseaux sociaux, des termes comme « lucifériens », « satanistes mondialistes », « talmudistes » ou « sionazis » sont employés pour les désigner.
Deux grandes mouvances, composées de figures diverses, entretiennent cette propagande en ligne :
- Les cercles catholiques traditionalistes, légitimistes et contre-révolutionnaires. Ils se retrouvent sur X, affichant des bannières et biographies faisant écho à la France catholique, à la monarchie et à une lecture rigoriste des Évangiles. La « question juive » est au cœur de leurs obsessions : quotidiennement, ils diffusent des publications dénonçant la « nocivité » des Juifs, tronquant des passages du Nouveau Testament pour les accuser de servir le diable.
- La nébuleuse de l’extrême-droite fascisante autour d’Alain Soral, souvent appelée « dissidence française ». Ses membres rejettent la République et la démocratie, rêvant de régimes autoritaires et vouant une fascination assumée pour le fascisme et le nazisme. Naturellement, le Juif est l’un de leurs sujets de prédilection.
Ce serait une grossière erreur de sous-estimer leur influence. Le site d’Alain Soral est un des plus visités du net français et ses vidéos dépassent facilement les centaines de milliers de vues, pouvant même parfois dépasser le million. Ses publications sont largement relayées, et ses théories prolifèrent à travers des médias alternatifs comme Le Média en 4-4-2, Géopolitique profonde, ou via des influenceurs tels que Marcel D, Kentra, et Vincent Reynouard.
Tous ces acteurs s’appuient sur des faits divers qu’ils instrumentalisent :
- L’affaire Jeffrey Epstein, où l’on lit que son réseau pédocriminel était « basé sur la suprématie juive et financé par Israël ».
- L’affaire Harvey Weinstein, où l’on détourne une citation du producteur déchu pour en faire une preuve de la corruption juive mondiale : « Harvey Weinstein, violeur multi-condamné, a dit : ‘Je suis Israélien dans mon cœur et dans mon esprit’. Pour rappel, le viol de filles de moins de 3 ans est autorisé par le Talmud ».
- La théorie selon laquelle Brigitte Macron serait un homme et Emmanuel Macron l’esclave d’un réseau pédo-satanique juif, relayée par des groupes complotistes : « Nous avons aujourd’hui un réseau pédophile qui a pris beaucoup de pouvoir en prétendant que toute personne qui le dénonce est un antisémite ».
- Plus récemment, une nouvelle lubie : l’industrie pornographique serait contrôlée par des rabbins, dont le but ultime serait de répandre la pédophilie et de corrompre les âmes. Un exemple typique : « Solomon Friedman, rabbin et magnat de l’industrie pornographique (…) À aucun moment, Solomon Friedman n’explique comment son activité de pornocrate est compatible avec son statut rabbinique. »
Difficile de ne pas penser à la lettre de Céline à Brasillach en juin 1939 : « Je hais le Juif, les Juifs, la juiverie, absolument, fondamentalement, instinctivement, de toutes les façons. Une haine parfaite. »
On croit souvent que les théories du complot sont l’apanage de quelques excentriques isolés, enfermés dans leurs obsessions. Mais elles finissent toujours par se propager, séduire, et gagner du terrain. Parfois, elles deviennent même la ligne directrice de gouvernements déterminés. Il faut alerter les esprits sur la dangerosité de ce qui est en train de se passer.