Retailleau, le sous-Marine
Censé représenter le parti Les Républicains au gouvernement, le ministre de l’Intérieur ne cesse de contredire les principes républicains. Comme le veut le RN.
Et ce type-là est toujours ministre ! Souvenons-nous… Il y a dix jours, pour avoir dévié de la ligne Barnier, Antoine Armand, ministre de l’Économie, coupable de garder ses idées hostiles au RN, a été sévèrement recadré. Mais Bruno Retailleau, ministre qui a franchi plusieurs lignes rouges posées, en principe, par la majorité qui le soutient, bénéficie, malgré ses sorties sur « l’État de droit » et sur l’immigration, d’une mansuétude éloquente de la part de son Premier ministre. Un « deux poids, deux mesures » qui en dit long sur la soumission de l’équipe Barnier à Marine Le Pen.
« L’État de droit, a dit Retailleau, ça n’est pas intangible, ni sacré ». Serait-ce la vraie ligne du gouvernement Barnier ? La chose mérite explication. Certes, la démocratie, comme son étymologie l’indique, repose sur le pouvoir du peuple. Les populistes se fondent sur cette définition pour estimer que toute décision issue « du peuple » est par nature, légitime.
Or tel n’est pas le cas. La démocratie obéit aussi à des critères objectifs, indépendants du vote, qui postulent que les libertés publiques soient assurées, que les droits humains soient respectés. Autrement dit, pour prendre un exemple simple, si nous votions librement pour un parti dictatorial, et donc hostile à « l’État de droit », nous ne serions plus en démocratie, mais soumis à une dictature. Ce qui revient à dire que les principes généraux d’une société démocratique reposent sur la subordination de l’État au droit, autant que sur le vote libre des citoyens.
Ces principes, dans l’histoire de toutes les démocraties, sont proclamés dès les origines par un vote solennel, par référendum ou par le suffrage des députés à une forte majorité, qui pose les bases du régime. On peut les modifier, certes, mais en recourant aux mêmes procédures : référendum, ou vote des deux assemblées à la majorité qualifiée. Ce que reconnaît Retailleau sans trop le dire : « C’est un ensemble de règles, une hiérarchie des normes, un contrôle juridictionnel, une séparation des pouvoirs, mais la source de l’État de droit, c’est la démocratie, c’est le peuple souverain ». À condition de respecter la Constitution, gardienne de l’État de droit, laquelle ne peut être modifiée que par référendum dans des domaines définis (article 11), ou par le vote des deux chambres à la majorité des trois cinquièmes (article 89). Ce que ne dit pas Retailleau : tout à son obsession anti-immigration, il suppose que le gouvernement dont il fait partie peut, à loisir, légiférer sur la question en se prévalant du seul soutien des électeurs, même si leur vote est contraire à la Constitution. Ce qui contredit, justement, « l’État de droit » et ouvre la voie à un régime « illibéral », c’est-à-dire antirépublicain. Pourtant, quoique franchissant les lignes rouges d’un gouvernement attaché aux libertés, Retailleau est encore ministre.