Retailleau n’est pas Sarko

par Valérie Lecasble |  publié le 30/04/2025

Premier faux pas pour le ministre de l’Intérieur… En réagissant avec retard après le meurtre d’Aboubakar Cissé, il s’est mis à dos la communauté française musulmane ; et sa double casquette de ministre et de candidat gêne sa candidature à la présidence de LR.

Une voiture de gendarmerie patrouille devant la mosquée Khadija de La Grand-Combe, le 27 avril 2025, après le meurtre d'Aboubakar, un fidèle tué de plusieurs dizaines de coups de couteau à l'intérieur de la mosquée le 25 avril. (Photo Miguel MEDINA / AFP)

Les musulmans de France ne décolèrent pas. Depuis le meurtre vendredi 25 avril d’Aboubakar Cissé, un fidèle frappé de 57 coups de couteau alors qu’il priait dans une mosquée, les manifestations continuent contre le climat d’islamophobie qui s’est installé dans notre pays. En cause : le retard de Bruno Retailleau qui a pris deux longues journées avant de réagir. Le vendredi, il a préféré assister à une réunion de campagne électorale pour la présidence de LR en Haute-Savoie en présence de Michel Barnier, plutôt que de se rendre immédiatement sur place ainsi qu’il en a l’habitude, comme lors de l’attaque au couteau contre une lycéenne à Nantes.

Samedi, ce catholique pratiquant, est allé à Rome assister aux obsèques du pape. Il n’a donc pas réagi publiquement avant dimanche lorsque Jean-Luc Mélenchon a convoqué un rassemblement place de la République. Quand il s’est finalement rendu sur place, il a préféré visiter la préfecture plutôt que la mosquée…

Ces deux longues journées pèsent lourd. Il avait vu sa popularité grimper si vite qu’il aime se comparer à Nicolas Sarkozy dont il a copié la double stratégie : prendre des voix au RN et à Éric Zemmour à l’extrême-droite tout en ratissant large au sein de la macronie pour renforcer son assise électorale ; briguer la présidence de LR afin de prendre date pour l’élection présidentielle.

Patatras. Le voici depuis le 25 avril sous le feu des critiques. Insistant surtout dans ses multiples interviews sur les dangers de l’entrisme des Frères Musulmans en France et de l’islamisme politique radical, il peine à montrer de la compassion envers la communauté musulmane. Et lorsqu’il choisit CNews pour se justifier, il en remet une couche, renforçant son image d’obsédé de l’islamisme qui n’hésite pas à utiliser le même vocabulaire que celui du Rassemblement National. Même son argument, pourtant exact, selon lequel Jean-Luc Mélenchon et LFI instrumentalisent le meurtre pour aller chercher des voix chez les musulmans, ne suffit pas à convaincre.

Deux poids, deux mesures, jugent désormais les musulmans de France, persuadés que si le meurtre d’Aboubakar Cissé avait eu lieu dans une église ou dans une synagogue, le ministre de l’Intérieur, qui est aussi celui des Cultes, se serait immédiatement déplacé. On voit mal désormais comment il peut parvenir à gommer le sentiment qu’il ne traite pas toutes les religions sur le même pied.

En France, où vit une communauté musulmane importante, l’amalgame entre l’islam et l’islamisme radical heurte beaucoup de citoyens. Apaisés dans leur très large majorité, les Français musulmans cohabitent dans leur vie quotidienne avec les chrétiens et les juifs. L’explosion des actes antisémites depuis le 7 octobre 2023 ne masque pas l’augmentation des attaques contre les musulmans qui ont été au nombre de 79 depuis le début de l’année selon les chiffres du ministère de l’Intérieur.

Sur tous les fronts, occupé qu’il est à battre Laurent Wauquiez, Bruno Retailleau a montré les limites du cumul de son poste de ministre avec celui de candidat à la tête des LR. Taxé d’immobilisme par Laurent Wauquiez, et mal à l’aise dans un gouvernement où il est souvent en contradiction avec François Bayrou, y compris sur l’utilisation du mot islamophobe qu’il récuse et que le Premier ministre a utilisé pour qualifier l’attaque, le voilà en porte-à-faux. Et encore, le débat sur la proportionnelle que François Bayrou a lancé et qu’ il réprouve, ne fait que commencer…

Valérie Lecasble

Editorialiste politique