Retailleau, sauveur de la gauche ?
L’ascension du ministre de l’Intérieur, quoique menaçante, a au moins une vertu : restaurer une claire confrontation entre droite et gauche, loin des faux-semblants macroniens.
Ce n’est certes pas le rôle des adversaires de la droite que d’arbitrer entre ses leaders. Mais une fois rappelée cette vérité première, il faut bien constater que l’homme le plus susceptible de rétablir en France le débat droite-gauche – dont l’effacement a plongé la vie politique française dans la confusion – s’appelle Bruno Retailleau. C’est un paradoxe, mais l’émergence de ce conservateur assumé clarifierait les choses et nous sortirait du marécage idéologique instauré par le « en même temps » macronien.
Bruno Retailleau ne se cache pas derrière son petit doigt, ne s’excuse pas, ne fait pas semblant. Sa ligne est claire, c’est un briscard de la politique conservatrice, qui veut bouter les étrangers hors de France pour retrouver son pays d’autrefois, à l’époque mythique où il n’y avait pas encore d’immigrés et encore moins de musulmans et où les valeurs traditionnelles étaient respectées. Né sur les terres vendéennes, il peine encore aujourd’hui à reconnaître les vertus de la Révolution française, il ne s’offusque pas que les aristocrates soient les héros du spectacle du Puy du Fou et ne rechigne pas à l’accolade avec son ancien mentor Philippe de Villiers le jour du départ du Vendée Globe. Bruno Retailleau n’a pas d’états d’âme, il ne doute de rien. Son monde est simple et binaire.
En face, Laurent Wauquiez fait petit joueur. Ce n’est pas qu’il manque d’ambition : on sait qu’il se prépare à l’échéance de la présidentielle de 2027. Mais comme il a changé plusieurs fois de discours, on ignore en fait ce qu’il a dans le ventre. Cet intellectuel normalien peine à passer à l’action. Il tergiverse, calcule, recule. Absent de la scène politique depuis des années, il n’ose pas y retourner à la faveur de la dissolution, et préfère rester cantonné sur les bancs des députés où il cherche à ne pas trop se mouiller.
Or, pour réveiller la gauche, quel meilleur remède qu’une droite bien à droite ? Elle l’oblige à bâtir un projet crédible qui s’oppose sans ambages aux noirs desseins de Retailleau. Le pire pour elle, est l’entre-deux qu’elle subit depuis huit ans et qui l’a anesthésiée. Faute d’un candidat socialiste en qui croire, les électeurs de la gauche modérée se sont vus contraints de voter pour le chef d’une « start-up nation » d’un pragmatisme économique qui exclut toute clarté idéologique. Un pis-aller faussement consensuel qui a rejeté les récalcitrants vers les extrêmes.
Bruno Retailleau pose de vraies questions mais il apporte de mauvaises réponses. Il s’attaque aux sujets qui fâchent, dont la plupart tournent autour de l’immigration, sujet inflammable et si tabou à gauche que personne n’ose l’aborder par crainte de s’y brûler. Aux manettes du parti Les Républicains, Bruno Retailleau contraindra le Parti socialiste à l’affronter. Gauche contre droite : pour organiser la confrontation démocratique, pour réduire les extrêmes, cessons d’esquiver les problèmes, ayons le courage de s’opposer. C’est le prix à payer pour construire demain une politique nouvelle.