Retailleau : une droite très vendéenne
Le chef des LR au Sénat arrive à Beauvau lesté d’une tradition au fort parfum antirépublicain, qui symbolise l’irrésistible évolution du macronisme.
C’est donc un Vendéen qui arrive au ministère de l’Intérieur, un Vendéen dans tous les sens du terme : géographique – Bruno Retailleau est né à Cholet – mais aussi politique – son parcours le rattache étroitement à la tradition antirévolutionnaire née au moment des guerres de Vendée, l’épisode le plus meurtrier de la Révolution française. Il a grandi au milieu des souvenirs de cette insurrection monarchiste qui a vu les deux camps, royaliste et républicain s’affronter avec une violence extrême, marquée, entre autres, par les massacres de civils commis par les « colonnes infernales » du général Turreau, missionné en Vendée par la Convention montagnarde. Persistance fascinante des héritages historiques : longtemps ami de Philippe de Villiers, Retailleau se situe ainsi sans ambages du côté des insurgés vendéens, quoique exempt de tout monarchisme.
Clemenceau, dira-t-on, était également vendéen. Mais justement : sur cette terre d’ancienne guerre civile, aujourd’hui apaisée, mais solidement enracinée dans sa tradition, le « premier flic de France » d’il y a un siècle était un républicain de stricte obédience. Devenu à son tour ministre de l’Intérieur, Retailleau vient du camp d’en face, « catholique et royal ». À Beauvau, donc, et à distance, un « blanc » succède à un « bleu ».
Un « blanc » ? Son itinéraire l’atteste. Retailleau a commencé son ascension patiente dans les rangs des acteurs du Puy-du-Fou (il était cavalier), le spectacle traditionnaliste monté naguère par de Villiers, citoyen des Herbiers, au cœur de la « Vendée militaire ». Il a aussi travaillé à Radio-Alouette, autre création de la famille de Villiers, qui tient son nom du Mont des Alouettes, où six moulins dominant le bocage avertissaient les « blancs » de l’arrivée des soldats « bleus » par la position de leurs ailes.
Certes Retailleau est membre du parti Les Républicains (LR) et ne conspire pas en faveur d’une quelconque Restauration monarchique. Il est, de surcroît, un élu cultivé, d’une élégance un peu désuète et d’une courtoisie pour ainsi dire aristocratique. Mais ses positions politiques et ses réflexes profonds ne laissent guère de doute sur sa filiation idéologique. Il a longtemps épaulé Philippe de Villers au sein de son Mouvement Pour la France (MPF) avant de se brouiller avec lui, pour rejoindre et seconder François Fillon, qu’il soutiendra jusqu’au bout pendant la campagne présidentielle de 2017 marquée par le « Penelopegate ». Il s’est mobilisé contre le « mariage pour tous » et il a refusé de voter pour la constitutionnalisation de l’IVG. Il tient depuis toujours, à la droite de la droite républicaine, un langage d’ordre et de tradition que n’auraient pas renié les anciens Chouans, Charrette et Cadoudal.
Il a aussi bataillé avec fougue pour la version sénatoriale de la récente loi sur l’Immigration, partisan de la « préférence nationale » en matière d’emploi et de l’examen hors de France des demandes d’asile, deux positions contraires à la constitution républicaine. Pour toutes ces raisons, son arrivée place Beauvau est d’abord un symbole : celui de la droitisation du régime, incarnée par l’alliance ourdie de longue main par Emmanuel Macron entre les centristes et la droite. Ainsi restera dans l’histoire politique l’irrésistible évolution du macronisme, venu de la gauche pour terminer à la droite de la droite.