Retraites : écoutez la CFDT !
En position centrale dans la négociation qui s’amorce sur les retraites, Marylise Léon, secrétaire générale, a éclairé la voie d’une solution possible et satisfaisante.

On a toujours tort de ne pas écouter la CFDT. Habituée à cette culture du compromis qui commence à s’immiscer à grand-peine dans le cerveau figé de la classe politique, la centrale réformiste vient de montrer le chemin d’un compromis possible. Elle énervera encore Jean-Luc Mélenchon, mais elle peut sortir le pays d’un affrontement stérile.
Première remarque : le premier syndicat de France s’est rangé au réalisme. Non aux lignes rouges tracées non par le gouvernement ou le patronat mais aux contraintes imposées par la réalité. Il faut impérativement trouver un arrangement plus juste, qui puisse aussi concourir à l’équilibre financier du système. Il n’est pas sérieux de faire reposer le paiement des retraites sur un endettement national déjà énorme ; il n’est pas plus sérieux de proposer, comme le fait le NFP, de promettre, même à terme, le retour à la retraite à 60 ans. Depuis 1982, date de son instauration par la gauche, l’espérance de vie en bonne santé a nettement augmenté ; parallèlement, le rapport entre actifs et inactifs s’est fortement dégradé. Il est clair qu’ on ne peut plus raisonner comme on le faisait il y a quarante ans, ce que la gauche d’aujourd’hui a du mal à reconnaître.
On se reportera pour s’en convaincre à l’article de Gilles Bridier dans LeJournal.info (1). Un chiffre en ressort : à soixante ans, l’espérance de vie moyenne des Français (en bonne santé) est de 23 ans pour les hommes (encore plus pour les femmes…). Il n’est pas illogique, dans ces conditions, de reculer progressivement l’âge légal, ce que la gauche elle-même a reconnu puisqu’elle a ratifié son report à 62 ans et fixé à 43 le nombre d’années de cotisation nécessaire à l’obtention d’un taux plein.
Mais la droite, les libéraux et Macron négligent une injustice essentielle : l’espérance de vie moyenne cache d’importantes disparités. Certains professions – manuelles en général – ont une espérance de vie bien plus réduite que les autres. Si bien que l’application du même âge de départ à tout le monde aboutit à une situation très inégalitaire. Les plus aisés, qui bénéficient d’une meilleure retraite, vivent aussi plus longtemps. Par une redistribution à l’envers, ceux qui meurent plus jeunes – les ouvriers, les employés – financent ceux qui meurent plus vieux – les cadres et les professions libérales (et les professeurs…). À cette injustice s’ajoute le faible montant des pensions destinées aux femmes, qui ont souvent dû interrompre leur carrière, ou bien accepter des emplois moins bien payés.
D’où les trois conditions posées par la CFDT : une meilleure prise en compte de la pénibilité des différents emplois, instaurée sous François Hollande mais réduite par Emmanuel Macron ; une amélioration du sort des femmes à la retraite ; une révision de la clause des 64 ans. C’est cette dernière condition qui rebute le gouvernement, dans la mesure où le report de l’âge légal produit immédiatement des économies substantielles. Mais dès lors que le syndicat se rallie à la nécessité de rechercher un équilibre financier, il y a forcément un chemin, quitte à adopter une solution transitoire et hybride. On jouerait sur une légère hausse des cotisations, sur un effort des retraités les plus aisés et sur un coup de pouce fiscal, par exemple. En attendant que le système soit remanié en profondeur à l’occasion de la prochaine présidentielle. Solution imparfaite ? Comme tous les compromis. Mais solution tout de même. Le PS, parti réformiste, a ouvert la voie de la négociation. La CFDT, syndicat réformiste, prend le relais. Loin des surenchères symétriques de la gauche radicale et de la droite LR, c’est l’intérêt des travailleurs, et celui du pays.
(1) https://lejournal.info/article/retraites-et-si-la-gauche-se-trompait/