Retraites : l’étude qui bouscule les idées reçues

par Gilles Bridier |  publié le 20/06/2025

Le rapport 2025 du Conseil d’orientation des retraites jette une lumière nouvelle et parfois dérangeante sur l’emploi des seniors et l’avenir du système.

Une femme s'enquiert de sa retraite lors du Forum Emploi Seniors organisé par le Mouvement des entreprises de France (MEDEF) Île-de-France. (Photo de GERARD JULIEN / AFP)

Réalité ignorée dans le débat public : si les salariés partent plus tard à la retraite, c’est dû aux femmes qui travaillent plus longtemps ! Tandis que les participant au conclave sur les retraites jouent les prolongations, le rapport 2025 du COR (Conseil d’orientation des retraites) met le projecteur sur le travail des seniors – et par là, sur l’âge de cessation d’activité. On apprend ainsi que si le taux d’emploi des 55-59 ans a fait un bond de 27 points en un quart de siècle pour atteindre près de 78% – ce qu’on tient généralement pour un facteur favorable à l’équilibre du système – c’est largement du fait des femmes qui, de 40% au travail dans cette tranche d’âge en 2000, ont été presque deux fois plus nombreuses en 2024, alors que la progression chez les hommes ne fut que de 20%.

Dans la tranche des 60-64 ans, on observe également une forte progression des seniors en emploi, de 31 points sur la période. Toutefois, la proportion des seniors de cette catégorie ne dépasse pas 42%. C’est la traduction de l’importance des mises en retraite anticipée au début du siècle. Quelles que soient les conclusions des travaux du « conclave », c’est dans cette tranche d’âge que la progression des seniors au travail devrait continuer d’augmenter, à condition que les entreprises mettent en place des programmes de formation pour leur permettre d’occuper des fonctions adaptées à leur âge.

Globalement, même si la proportion de seniors de 55 à 65 ans en activité a doublé en un quart de siècle, atteignant 60% selon le COR, elle reste en France en deçà des taux observés dans certains pays pour la même tranche d’âge : 80% au Japon, 75% en Allemagne, aux Pays-Bas et en Suède, 65% au Royaume-Uni. Mais contrairement à une idée reçue, la France n’est pas si différente des autres pays de l’OCDE : les É tats-Unis et le Canada font à peine mieux, et l’Italie comme la Belgique et l’Espagne sont au même niveau. En revanche, dans la catégorie des 65-69 ans, seulement 11% des seniors sont en activité en France quand la moyenne dans les pays de l’OCDE se situe à 30%.

Dans son scénario de référence, le COR considère que l’augmentation du taux d’emploi des seniors doit se combiner avec un recul de l’âge moyen de départ à la retraite, qui passerait de 62,9 ans en 2023 à 64,6 ans en 2070… sous réserve de nouvelles réformes d’ici là. On comprend que la présentation de ce rapport début juin, alors que les négociations entre patronat et syndicats de salariés se poursuivaient, ait courroucé les syndicats de salariés.

Un autre élément devrait permettre de contrôler les dépenses : le décrochage de la pension moyenne des retraités par rapport au revenu moyen des salariés, celui-ci progressant un peu plus vite grâce aux gains de productivité. Ainsi, alors que le niveau de vie des retraités correspondait à 97% de celui de l’ensemble de la population en 2022, il passerait à quelque 87% en 2070…

Cela peut-il suffire pour pérenniser le système alors que, compte tenu du vieillissement de la population, on comptera en 2070 deux fois moins de personnes de 20 à 64 ans par senior de plus de 65 ans qu’en 2009 ? Si l’on s’en tient aux seuls cotisants, le rapport passera de 1,8 par retraité aujourd’hui à 1,4 dans 45 ans. L’évolution semble inscrite dans le marbre, lorsqu’on conjugue d’un côté la baisse du taux de natalité et, de l’autre, l’augmentation de l’espérance de vie à 65 ans (qui pourrait atteindre 26,7 ans pour les femmes et 24,8 ans pour les hommes en 2070). Dans ces conditions, le COR ne fait pas l’impasse sur la nécessité de maintenir un solde migratoire de l’ordre de 70.000 personnes par an dans ses projections.

Dans ce scénario, les dépenses du système de retraite qui se sont se sont élevées à 13,9 % du PIB (407 milliards d’euros) en 2024 devraient se situer autour de 14,2 % en 2070. Soit 1,5 point au-dessus des ressources projetées… et toujours à peu près le quart des dépenses publiques. De quoi alimenter bien des débats à venir.

Gilles Bridier