Roussel, le trublion de la gauche

par Valérie Lecasble |  publié le 16/09/2024

Il ira voir Michel Barnier à Matignon, il soutient Ruffin contre Mélenchon… Pour revenir dans le jeu, le leader du Parti Communiste défie le Nouveau Front Populaire.

Fabien Roussel à la Fête de l'Humanité à Bretigny sur Orge, le 14 septembre 2024. (Photo de Bastien OHIER / Hans Lucas via AFP)

Fabien Roussel est d’humeur combative. On se demandait où était passé le leader du Parti Communiste français, celui qui fait la course en tête des personnalités préférées des électeurs de gauche et des écologistes. C’est à peine si on l’avait vu dans le public lors des débats télévisés pour les élections européennes, venu soutenir son candidat Léon Deffontaines. Tout l’été, il n’a rien dit, ou pas grand-chose. Après la dissolution, il s’est contenté, comme les autres, de défendre Lucie Castets, la candidate du Nouveau Front Populaire pour Matignon. Rien de plus.

Le voilà de retour : il est le seul à gauche à avoir accepté de rencontrer Michel Barnier à Matignon. Pour égrainer ses revendications, bien sûr – la hausse du Smic et des salaires dans le secteur public et privé, l’abrogation du régime des retraites, une plus grande justice sociale – mais aussi pour aborder des sujets chers au Premier ministre, en réclamant des moyens pour la police judiciaire, et la mise en place d’un parquet national dédié à la lutte contre les narcotrafiquants. Censurera-t-il a priori le gouvernement, comme le préconise le Nouveau Front Populaire ? Probablement. Mais, à la différence de ses partenaires, il attendra de voir quelle politique le Premier ministre veut mener avant de se prononcer.

Ainsi Fabien Roussel prend ses distances avec la doxa de la gauche. Avec seulement neuf députés élus à l’Assemblée Nationale, renforcés opportunément par presque autant de députés ultramarins pour pouvoir constituer un groupe de Gauche démocrate et républicaine qui en compte dix-sept, le poids du Parti communiste français y est quasi-inexistant. Qu’il censure ou non, le résultat sera presque le même.

Mais Roussel a d’autres sujets en tête. Il se souvient encore du 1er juillet 2024, le jour où il a été rudement battu à Saint-Amand-les-Eaux, dès le premier tour des élections législatives, par le candidat du Rassemblement National, Guillaume Florquin, avec 50,3% des voix. Dans un bastion communiste depuis 1962 et qui demeure un symbole des anciens bassins miniers et ouvriers du Nord ! Son positionnement n’a pas varié, il défend les salariés des petites villes paupérisées et rurales, ce qui l’avait conduit à soutenir le mouvement des gilets jaunes et à prononcer l’an dernier à la fête de l’Humanité la phrase restée célèbre dans les annales : « la gauche doit défendre le travail et le salaire et ne peut pas être la gauche des allocations ». Las, cette fois, il a dû s’incliner face au raz-de-marée des électeurs du RN.

La claque est sévère et convainc Fabien Roussel de relancer la bataille pour reconquérir les classes populaires passées au Rassemblement National. Loin de huer François Ruffin pour ses attaques frontales contre Jean-Luc Mélenchon, il défend au contraire la position du député de la Somme et combat autant que lui la stratégie menée par le leader de La France Insoumise, qui consiste aller faire son marché dans les quartiers et d’y soutenir une idéologie communautariste radicale, qui parle aux habitants des banlieues mais ignore ceux des zones rurales.

Quant à une candidature unique à la prochaine présidentielle évoquée par l’affidé de Jean-Luc Mélenchon, Eric Coquerel, il y répond par un laconique, « on verra, chaque chose en son temps ». Voici le Nouveau Front Populaire prévenu. Même si elle émane d’un battu aux élections, il va lui falloir compter avec la voix discordante de Fabien Roussel.

Valérie Lecasble

Editorialiste politique