Rue Transnonain : massacre et mystère

par Thierry Gandillot |  publié le 11/04/2025

Dans son dernier livre, Jérôme Chantreau maintient le suspense jusqu’au bout. S’il s’agit d’un « roman », comme il est indiqué sur la couverture, il est plus vrai que nature.

"L'affaire de la rue Transnonain", de Jérôme Chantreau, éditions La Tribu

Le samedi 12 avril 1834, une émeute est réprimée dans le sang par le gouvernement Thiers. Mais déjà, à Paris, les sociétés secrètes, Robespierre, Babeuf, Aide-toi-le-ciel-t’aidera, Mort-au-tyran … s’organisent. Elles sont toutes plus ou moins liées à la Société des Droits de l’Homme. Dans le secret de leur cabinet, Adolphe Thiers et le général Bugeaud s’interrogent sur la meilleure façon d’endiguer la furia populaire. Faut-il terroriser les émeutiers, comme à Lyon ? Ou jouer le pourrissement du mouvement ? Bugeaud est pour la manière forte. Thiers hésite.

Le 14 avril, des barricades se dressent. Dans le quartier de Beaubourg, les incidents se multiplient. Au pied d’un immeuble de la rue Transnonain, un officier, le capitaine Rey, est tué d’un coup de fusil qui serait parti du cinquième étage du numéro 12.

C’est le signal de la curée. Le 35ème de ligne part à l’assaut. Il ne fera pas de quartier, tirant à vue sur tous les locataires. Un bain de sang. On relèvera douze morts – parmi lesquels un apprenti, un ouvrier d’atelier, un tourneur en tabletterie, un peintre-vitrier, un bijoutier, un doreur sur bronze, un imprimeur de papiers peints … Une femme, des enfants, des vieillards sont tués ou blessés. Des gens sans histoire, de bons citoyens a priori. Seuls les locataires du troisième étage où est installé un théâtre sont mystérieusement épargnés. L’endroit est bien connu dans le quartier. Le veille encore, on y jouait un vaudeville, Le Roi s’amuse. Cruel.

L’ampleur de la tuerie secoue l’opinion publique. La sidération est totale. Louis-Philippe craint que des chansonniers comme le redoutable Béranger, ne s’en emparent. Déjà, une lithographie de Daumier circule dans Paris. Il faut éteindre l’incendie.

Une commission d’enquête est diligentée qui devra exonérer les militaires ; ils auraient été pris à parti par un « bastion de forcenés ». On a même trouvé le coupable du coup de feu soi-disant tiré du cinquième étage, un certain Louis Breffort, un jeune homme à peine sorti de l’adolescence qui serait proche de la Société des Droits de l’Homme. Il n’est pas là pour se défendre, il a été tué.

Et puis, il aurait eu une comparse, une prostituée, encore une enfant, Annette Vacher, dite Perle-la rouge, en raison de sa crinière flamboyante. Une beauté, cette catin malgré elle, amoureuse de Louis. On l’aurait vue se promener dans les étages « à moitié nue », avec un paquet dans les bras pendant l’assaut. Aurait-elle tiré depuis le deuxième étage ?

Joseph Lutz, le policier chargé de l’enquête, un dur à cuire, formé à l’école de Vidocq, n’est pas du tout convaincu par ces « éléments de langage » qu’on lui fournit sur un plateau. D’abord, le tir n’a pas pu venir du cinquième étage qui n’a aucune vue sur la rue Transnonain. Ensuite, la trajectoire de la balle montre un parcours de bas en haut. Enfin, il trouve suspect que le capitaine Rey ait été montré à ses hommes, placé sur une civière, à peine le coup de feu tiré.

Lutz doit absolument retrouver Perle-la-rouge. Pourra-t-il aller jusqu’au bout de son enquête ? Ou la raison d’État – Bugeaud et Thiers en tête – sera-t-elle la plus forte ?

L’affaire de la rue Transnonain, de Jérôme Chantreau, éditions La Tribu, 460 pages, 22€

Thierry Gandillot

Chroniqueur cinéma culture