Salvator Mundi : Léonard et les spéculateurs

par Alfred de Montesquiou |  publié le 07/03/2025

Emportée par son propre succès, la surenchère autour du dernier tableau de Léonard de Vinci raconte la folie spéculative d’un certain marché de l’art.

"Salvator Mundi : la folle histoire du tableau le plus cher du monde", d’Antoine Vitkine, Sébastien Borgeaud, et Éric Liberge, éditions Futuropolis

À défaut d’être un chef-d’œuvre certifié de la Renaissance, c’est bien une caricature de notre époque que propose le Salvator Mundi. Jamais dans l’Histoire un objet aura pris une telle valeur en si peu de temps. Acheté un millier de dollars lors d’une vente locale à la Nouvelle Orléans en 2005, le tableau s’est vendu 450 millions de dollars chez Christie’s à New York en 2017. Un record inégalé. Cette folie, c’est l’œuvre ultime de Léonard de Vinci : un portrait du Christ en sauveur du monde que s’est offert le prince héritier d’Arabie Saoudite.

Mais le Salvator Mundi est-il un authentique portrait de la main du maître, sorte de pendant masculin de la Joconde ? Ou bien n’est-ce qu’une toile sortie de l’atelier Léonard de Vinci, dont la valeur commerciale serait ridiculement moindre ? Largement insoluble, la question se joue sur l’intuition d’une poignée d’experts qui s’appuient sur d’infimes variations de pigments et de touches de pinceaux. Elle aurait pu n’être qu’une querelle de chapelles entre historiens, mais la convergence de l’art et du capitalisme exacerbé en fait une spéculation à plusieurs centaines de millions de dollars, qui éclabousse la monarchie saoudienne. Le tout sur fond d’intenses enjeux diplomatiques pour la France, tandis que le prince Mohammed ben Salmane tente d’extorquer auprès d’Emmanuel Macron et du musée du Louvre un certificat d’authenticité pour une œuvre somme toute ambiguë…

On croirait lire le pitch d’un excellent thriller, mais tout est vrai dans cette histoire aberrante, rigoureusement dépeinte par les journalistes Antoine Vitkine et Sébastien Borgeaud. C’est ainsi l’univers à la fois cynique et feutré du marché de l’art que permet d’explorer ce Salvator Mundi, aujourd’hui soigneusement mis au secret par son propriétaire. Une intrigue que Léonard de Vinci, habitué aux manœuvres des princes Italiens et de François Ier, aurait certainement savourée à sa juste valeur.

« Salvator Mundi », d’Antoine Vitkine et Sébastien Borgeaud, dessin d’Éric Liberge, Futuropolis, 96 pages, 21€.

Consulter les planches de la BD de la page 3, de la page 4, de la page 5, de la page 6, et de la page 7

Alfred de Montesquiou